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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 37e Législature,
Volume 139, Numéro 46

Le mardi 12 juin 2006
L'honorable Dan Hays, Président


 

LE SÉNAT

Le mardi 12 juin 2001

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

VISITEURS DE MARQUE

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence à notre tribune d'une délégation sous la direction de Son Excellence Adrian Severin, Président de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.

Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix: Bravo!

[Traduction]

L'HONORABLE ERMINIE J. COHEN

HOMMAGES À L'OCCASION DE SA RETRAITE

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, s'il fallait décrire en très peu de mots Erminie Cohen, l'expression «conscience du Sénat» serait sans doute des plus appropriées, car madame le sénateur Cohen a su inculquer au Parlement une conscience aiguë des préoccupations des Canadiens trop souvent négligés, voire trop souvent ignorés.

Beaucoup de Canadiens sont fiers de dire que leur pays a été déclaré le meilleur au monde, mais les nombreux Canadiens qui vivent dans la pauvreté, qui sont victimes de discrimination, qui sont rejetés à toutes fins utiles par la société, désespèrent de jamais partager la fierté des plus fortunés de leurs concitoyens. C'est à ces personnes qu'Erminie a consacré sa vie entière.

Madame le sénateur Erminie Cohen a siégé au Conseil de la condition féminine du Nouveau-Brunswick et au Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme. Elle a contribué à la création du groupe Women for Action de Saint-Jean. Elle a également fait partie du Groupe de travail sur le harcèlement en milieu de travail.

Quelques années après sa nomination au Sénat, madame le sénateur Cohen a présidé la première Conférence des pauvres dans les provinces de l'Atlantique, tenue à Saint-Jean. Cette conférence a été suivie de la publication, en février 1997, du rapport intitulé «La pauvreté au Canada: le point critique», qui a été largement diffusé dans un certain nombre d'universités canadiennes où il sert de texte de référence.

L'honorable sénateur Cohen a parrainé le projet de loi S-11, qui interdit la discrimination pour des raisons de condition sociale. Ce projet de loi a été adopté à l'unanimité au Sénat, mais il a été rejeté par l'autre Chambre. En mars 1999, elle a assuré la coprésidence du Groupe de travail du caucus national progressiste-conservateur sur la pauvreté. Ce groupe a organisé de nombreuses audiences au Canada et a publié un rapport intitulé «C'est à nous d'agir!», dont on s'est beaucoup félicité au Canada. Dernièrement, elle s'est penchée sur la qualité de la vie des familles de militaires canadiens et son rapport, présenté en avril dernier, a été suivi d'entretiens approfondis à Gagetown.

Erminie Cohen a reçu des témoignages d'honneur de sa communauté, de sa ville et de sa province pour son engagement et son dévouement extraordinaires à leur égard. Son départ du Sénat ne lui laissera que plus de temps pour poursuivre ses actions désintéressées pour le compte d'autrui. Ainsi, elle coprésidera le Groupe d'action communautaire pour combattre la violence familiale, à Saint-Jean.

Erminie, ce fut un honneur pour le Sénat de vous compter dans ses rangs. En seulement huit ans, vous avez eu une influence que peu de sénateurs siégeant depuis beaucoup plus longtemps sont en mesure d'exercer. Nous avons tous vu à quel point vous vous préoccupez de ceux pour qui l'avenir ne semble pas plus prometteur que le présent. Vous avez été notre conscience et votre départ, j'en suis convaincu, n'atténuera en rien ce que cela a apporté à chacun d'entre nous.

Je remercie Eddie, auquel je souhaite une prompte récupération après cette vilaine chute, ainsi que les membres de votre famille, à Ottawa et à domicile, qui nous ont permis de bénéficier de la générosité et de la compassion extraordinaires d'une personne et d'une collègue remarquables. Votre apport au Parlement est digne d'envie.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je parlerai aujourd'hui d'une collègue qui, au fil des années que nous avons passées ensemble à la Chambre, est devenue une amie. Madame le sénateur Cohen est arrivée au Sénat à peine plus d'un an avant moi. Au fil des ans, j'ai observé sa prestation comme membre de bon nombre de comités. Qu'il s'agisse de l'agriculture ou de la régie interne, des affaires juridiques et constitutionnelles ou des affaires sociales, des sciences et de la technologie ou des anciens combattants, Erminie a toujours donné un visage humain au comité et au Sénat.

(1410)

Elle s'est intéressée au bien-être des gens. Qu'il s'agisse d'un sénateur, d'un membre du personnel ou d'un membre de nos forces armées, l'intéressé savait toujours qu'Erminie allait poser des questions délicates et intuitives: «Comment allez-vous? La vie vous apporte-t-elle ce que vous voulez? Que puis-je faire pour vous?» La dernière question était pour elle la plus importante — «Que puis-je faire pour vous?» — car elle voulait établir le dialogue et aider autrui.

Lorsque Erminie rencontrait des gens issus de tous les milieux, elle se présentait à la Chambre et nous faisait le compte rendu de ces rencontres. Erminie nous amenait à adopter la même pensée humaine que la sienne.

Madame le sénateur Cohen et moi avons un lien particulier, car elle a été coprésidente du comité de collecte de fonds pour le centre d'étude sur la violence familiale de la Fondation Muriel McQueen Fergusson, à l'Université du Nouveau-Brunswick. J'ai accepté la tâche identique de chercher à recueillir des fonds pour le centre de l'Université du Manitoba. Erminie et moi partagions les mêmes vues en ce qui concerne les questions de la violence faite aux femmes et aux enfants, violence qui transcende malheureusement les limites provinciales.

Madame le sénateur Cohen a travaillé avec de nombreuses autres organisations. Lorsque j'ai rassemblé mes notes pour mon discours d'aujourd'hui, j'ai été impressionnée par le nombre d'organisations auxquelles elle a été associée. Qu'il s'agisse de Centraide, de la Société royale du Canada ou d'organisations juives comme elle, elle n'a cessé d'apporter sa contribution. Elle a contribué à l'essor de notre pays et je sais qu'elle va continuer à le faire en croyant toujours dans le Canada en tant que fédération et en ayant toujours confiance dans le Parti progressiste-conservateur.

On note que madame le sénateur Cohen fait l'objet de marques d'approbation publiques et privées. Le travail qu'elle a effectué relativement aux obligations de l'État d'Israël, le fait qu'elle ait été nommée Femme de l'année, toutes ces choses sont notées. Nous la saluons pour cela. Cependant, nous savons que dans son for intérieur, c'est l'aide qu'elle a apportée aux gens qui a été le plus important dans sa vie.

Je tiens à dire au mari d'Erminie, Edgar, et à ses enfants Shelley, Lee et Cathy ainsi qu'à son petit-fils Micah, que vous pouvez la reprendre, mais que vous pouvez vous attendre à ce qu'elle soit occupée, car elle le sera toujours. L'chaim, Erminie.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, en siégeant dans cette enceinte, Erminie Cohen a amélioré l'institution qu'est le Parlement. Elle laisse notre institution dans un meilleur état qu'elle ne l'était à son arrivée. Notre collègue a été un sénateur modèle, un penseur politique réfléchi et une véritable travailleuse sociale.

En tant que politicologue, elle reconnaît que la question des liens entre la théorie politique et l'action sociale se pose aux étudiants de la politique depuis l'Antiquité. Elle nous a enseigné à tous, avec l'approbation de Platon et d'Aristote, qu'il ne peut y avoir de pratique sans théorie, de travail appliqué sans une bonne politique.

Si on se préoccupe tant aujourd'hui de la tragédie qu'est la pauvreté, et surtout de ses répercussions chez les enfants, c'est parce que le sénateur Cohen a sonné l'alarme. Les efforts du gouvernement et des ONG dans tout le pays pour s'attaquer à la pauvreté sont attribuables dans une large mesure à cette femme remarquable.

Tout aussi remarquables ont été le courage et la force de madame le sénateur Cohen durant l'étude parlementaire sur la question de la garde et du droit de visite. Elle poursuit sa lutte pour faire en sorte que la condition sociale soit ajoutée aux motifs de discrimination interdits dans la Loi canadienne sur les droits de la personne.

Honorables sénateurs, cette femme remarquable, qui a travaillé dans la Chambre rouge du Parlement, le long des rives de la rivière des Outaouais à l'embouchure de la rivière Rideau, n'a jamais oublié les valeurs solides qu'elle a apprises et pratiquées dans sa collectivité dans la baie de Fundy, à l'embouchure de la rivière Saint-Jean. Il se peut qu'elle nous quitte sous peu, mais elle ne sera jamais réduite au silence. Nous entendrons encore beaucoup parler du sénateur Cohen, même si c'est à une autre tribune.

Dans le livre d'Esther, au chapitre 10, on trouve une description magnifique de cette reine biblique, qui convient parfaitement à Erminie:

Rien n'a été omis, ni la petite source qui devient un fleuve, ni la lumière qui brille, ni le soleil, ni l'abondance d'eau. Esther est ce fleuve...

Esther était la reine du roi Assuérus. C'est à la reine d'Eddie que nous avons l'honneur d'exprimer toute notre gratitude pour sa lumière, son enthousiasme et son dévouement.

Votre efficacité en cet endroit mérite toutes nos félicitations. Nous avons eu l'insigne privilège de bénéficier de la générosité du docteur Cohen et de sa participation active au sein de la société. Notre système de gouvernance repose sur la participation de bons citoyens comme Erminie, prête à consentir de nombreux sacrifices personnels au nom de son pays. Nous saluons sa contribution et nous rendons hommage à une Néo-Brunswickoise qui a servi le Canada de façon exemplaire et qui a exercé ses fonctions parlementaires avec distinction.

L'honorable B. Alasdair Graham: Honorables sénateurs, il y a de cela plusieurs décennies, Nellie McLung a écrit que dans la nouvelle société, il revenait aux femmes de faire preuve de vision et d'imagination et de trouver des solutions aux problèmes de la vie. J'ai l'impression d'entendre les cris de ralliement des cinq superbes championnes de l'affaire «personne». On les dirait encore parmi nous, à deux pas de ces murs, au moment où le Sénat du Canada rend hommage à l'une des femmes les plus extraordinaires qu'il lui ait été donné d'accueillir, à notre collègue, à notre amie, madame le sénateur Erminie Cohen.

Erminie, vous êtes véritablement une femme de vision et d'imagination exceptionnelle. Même dans les moments difficiles où les problèmes du monde nous ont semblé sans issue, vous avez toujours affiché un esprit inébranlable. Aucun défi ne vous a jamais semblé trop grand, aucun sommet ne vous a jamais semblé inaccessible.

Quelqu'un a dit un jour que l'injustice, où qu'elle soit, menace la justice partout où elle se trouve. Sénateur Cohen, vous avez fait de ces paroles une règle de vie fondamentale, montrant par votre engagement et votre attachement à l'égard des droits et libertés que l'indifférence à l'injustice est l'essence même de l'inhumanité.

Le sénateur Cohen a consacré sa vie à jeter les ponts de l'autonomie pour les femmes victimes de violence, les malades et les personnes marginalisées. Grâce à ces ponts, nombre de femmes de mérite ont pu embrasser la vie publique.

Le lauréat du prix Nobel, Elie Wiesel, s'est exprimé de façon très touchante au sujet des batailles pour la dignité humaine. Il a dit:

C'est pour cette raison que je me suis juré que jamais je ne garderai le silence, car là où l'homme endure la souffrance et l'humiliation, les frontières nationales et les sensibilités n'ont plus de raison d'être. Là où l'on persécute des femmes et des hommes à cause de leur race, de leur religion ou de leur vues politiques, cet endroit doit, à ce moment-là précisément, devenir le centre de l'univers.

Alors que je pensais à certaines des récompenses prestigieuses que le sénateur Cohen a reçues, je me suis demandé quelle était la source du dévouement remarquable du sénateur Cohen. Erminie a toujours placé la défense de l'humanité au centre de son univers personnel.

Honorables sénateurs, il y a là une vision remarquable, la même vision qui est au coeur de la fondation d'Israël il y a plus de 50 ans. Isaïe a décrit l'esprit qui fait pousser les orangers au beau milieu du désert et jaillir les sources au milieu de nulle part. Erminie a toujours fait preuve de cet esprit, que ce soit au service des membres de sa communauté, au service de sa province ou de son pays et toujours, bien entendu, le plus important, au service de sa famille.

(1420)

Sénateur Cohen, vous avez laissé votre marque dans cette enceinte et dans la vie de tous ceux qui ont eu le privilège de vous connaître. Aujourd'hui, je remercie une noble dame qui a honoré cette institution de sa présence. Nous vous offrons nos voeux de bonheur et de santé tout au long de votre retraite en compagnie de votre remarquable famille.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, l'âge nous rattrape tous. Je suis l'une de ces victimes. Je dois avouer que je connaissais le regretté beau-père de madame le sénateur Cohen bien avant que je ne la rencontre. Il a été pendant des années un pilier du Parti conservateur au Nouveau-Brunswick dans les périodes de vaches grasses comme dans celles de vaches maigres. Je peux en dire autant du mari du sénateur Cohen, que je compte parmi mes amis depuis bientôt 40 ans. Je connaissais plusieurs membres de la belle-famille du sénateur Cohen à Cap-Breton. Ce n'étaient certes pas des piliers du Parti conservateur. C'étaient des libéraux, quoique des gens fort respectables.

Je n'ai entendu parler qu'une seule fois du fils du sénateur Cohen, Lee Cohen, qui est avocat. Il voulait défendre un groupe de marins philippins terrifiés qui, après avoir été témoins de l'abandon de passagers clandestins en mer, avaient quitté leur bateau et revendiqué le statut de résidents permanents au Canada. Connaissant sa mère, je n'ai pas été surpris qu'il se soit pris d'amitié pour ces réfugiés pauvres et désespérés et qu'il défende leur cause, avec succès, comme on devait l'apprendre plus tard. Il n'aurait pas pu faire autrement. Il a hérité d'un gène humanitaire très fort; sa mère est une femme agréable mais déterminée.

Le récit des services rendus par Erminie Cohen à ses concitoyens remplirait de nombreux volumes. Les témoins de sa générosité pourraient remplir plusieurs salles, comme ce fut le cas en 1998 lorsque le Jewish National Fund lui a rendu hommage lors de son dîner du Néguev à Saint John. Des gens de tous les âges et de tous les horizons, représentant toutes les situations économiques et sociales, étaient venus la remercier et lui rendre hommage parce que sa compassion et son dévouement avaient touché leurs vies et la vie de Saint John, les améliorant.

Le mois dernier, elle a reçu un doctorat honorifique en droit de l'Université du Nouveau-Brunswick.

Je veux partager avec Erminie et les honorables sénateurs une anecdote dont je n'ai jamais parlé. Peu de temps avant la nomination d'Erminie au Sénat, un membre en vue du gouvernement libéral au pouvoir au Nouveau-Brunswick à l'époque est entré en communication avec moi. Il a attiré mon attention sur le fait que le poste de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick était sur le point de se libérer. Ce politicien libéral du Nouveau-Brunswick voulait que nous sachions que si le gouvernement fédéral nommait notre amie progressiste conservatrice Erminie Cohen au poste de lieutenant-gouverneur, cela serait certes très bien reçu.

M. Mulroney et moi-même devrions peut-être nous culpabiliser de ne pas l'avoir mise au courant de cela à l'époque. Néanmoins, nous ne nous sentons pas coupables. Je crois que je peux m'exprimer en nos deux noms et en celui du Parti progressiste-conservateur pour dire que nous sommes honorés d'avoir été ses collègues. Nous sommes fiers qu'elle ait trouvé, au sein du Parti progressiste-conservateur et au Sénat, un foyer valable pour offrir au cours des huit dernières années les services humanitaires auxquels elle a consacré sa vie et pour lesquels nous lui sommes si reconnaissants.

[Français]

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, il me fait aussi plaisir de rendre hommage à une collègue, une grande dame du Nouveau-Brunswick, dont je suis fière d'être l'amie.

C'est en tant que membre du premier Conseil consultatif de la condition féminine du Nouveau-Brunswick, en 1977, que j'ai connu Erminie Cohen et que j'ai su apprécier son travail auprès des femmes du Nouveau-Brunswick.

Son dévouement et son engagement au service des causes de la pauvreté, de la violence familiale, des droits de la personne — et j'en passe — indiquent clairement ses grandes préoccupations altruistes et humanistes.

[Traduction]

Je ne veux pas énumérer encore une fois toutes les réalisations de madame le sénateur Cohen et les prix prestigieux qu'elle a remportés; mes collègues l'ont déjà fait. Erminie Cohen siège au Sénat depuis 1993, où elle représente les intérêts des citoyens du Nouveau-Brunswick et ceux des autres Canadiens. Lorsque je suis arrivée au Sénat en 1995, j'étais heureuse de la retrouver et de collaborer de nouveau avec elle au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Plus tard, nous avons participé à d'autres activités touchant les questions féminines et la pauvreté.

Outre notre intérêt pour les questions ethniques, Mme Erminie Cohen et moi-même avons autre chose en commun. Nous appartenons à une minorité. Le sénateur Cohen fut la première personne juive du Nouveau-Brunswick nommée au Sénat et je suis la première Acadienne du Nouveau-Brunswick nommée au Sénat.

Dans une entrevue accordée au journal The Hill Times en février 1995, Erminie Cohen a déclaré qu'un de ses plus grands regrets était de ne pas être bilingue. Elle tente toujours d'atteindre cet objectif, et je sais que nombre de ses amis francophones du Nouveau-Brunswick continueront d'évaluer ses compétences linguistiques.

En octobre 1998, le Jewish National Fund a rendu hommage à madame le sénateur Cohen au cours de son dîner du Néguev. Cette dernière avait choisi comme projet de planter des arbres dans le désert du Néguev, et la forêt sera appelée la forêt du Nouveau-Brunswick.

Le 18 mai 2001, le sénateur Cohen a reçu un doctorat honorifique en droit de l'Université du Nouveau-Brunswick à Saint John pour sa contribution importante au Nouveau-Brunswick et au Canada.

Erminie, au nom de toutes les femmes du Nouveau-Brunswick, je vous remercie de votre engagement continu et je vous souhaite une paisible et heureuse retraite. Vous aurez maintenant plus de temps pour partager, avec votre charmant époux Edgar, la joie et le bonheur que vous apportent vos trois enfants et votre petit-fils.

Que le soleil brille bien haut sur la demeure des Cohen dans la baie de Fundy.

L'honorable Brenda M. Robertson: Erminie, vous allez me manquer. Je suis heureuse que les filles soient ici aujourd'hui, mais j'ai beaucoup de peine qu'Eddie n'y soit pas. J'espère qu'il se rétablira rapidement. Transmettez-lui nos meilleurs voeux.

J'aimerais dire quelques mots au nom du sénateur Simard et en mon nom personnel parce que, venant tous deux du Nouveau-Brunswick, nous sommes très fiers d'Erminie Cohen. Elle a beaucoup apporté au Sénat. On peut dire sans risquer de se tromper qu'elle a adoré le travail qu'elle a fait au Sénat. Elle s'est adaptée tellement facilement. Lorsqu'elle est arrivée ici en 1993, je ne la connaissais pas beaucoup personnellement. Je connaissais toutefois son mari, Eddie, depuis plusieurs années parce qu'il faisait de la politique. Pendant ce temps, Erminie s'occupait du magasin.

Dans une autre vie, alors que je faisais partie du gouvernement de Richard Hatfield, chaque fois que j'étais à Saint John, j'allais tôt le matin de l'autre côté de la rue dans un petit restaurant où Eddie et un autre bon ami, Ralph Stephen, prenaient leur petit-déjeuner. Ralph nous a bien sûr quittés depuis. Ces petits-déjeuners étaient extraordinaires. Nous ne parlions jamais d'Erminie. Elle était au magasin. Nous parlions de politique. J'écoutais tous les potins sur ce qui se passait à Saint John. Nous discutions de la façon de voir les problèmes et j'appréciais beaucoup les bons conseils qu'ils me donnaient.

(1430)

Je ne répéterai pas toutes les observations franches et délicieuses que les autres sénateurs ont faites, car les répétitions peuvent devenir ennuyeuses, et vous, sénateur Cohen, n'êtes pas ennuyeuse. En écoutant ces observations, je pensais: «Erminie a travaillé tellement fort toute sa vie et elle a accompli tellement de bonnes choses que les gens croiront peut-être qu'elle est un peu ennuyeuse.» Or, je ne dirais pas que vous êtes une comédienne, mais je puis vous dire, honorables sénateurs, qu'elle est douée d'un esprit très vif.

Le bibliothécaire à la bibliothèque régionale de Saint John m'a dit que, lorsque le sénateur Cohen y travaillait comme bénévole, un monsieur est entré un jour et a demandé un livre intitulé: Man, The Superior Sex. Erminie a été prompte à répliquer: «Les ouvrages de fiction se trouvent au deuxième étage.»

Le sénateur Cohen n'a pas non plus une réputation de farceuse, bien que j'aie entendu dire, Erminie, que vous avez joué un grand tour dans votre vie, celui d'avoir épousé votre cher mari, Eddie, qui, comme chacun sait, était un grand farceur. Cependant, il n'a pas toujours eu le dessus sur Erminie et, dans le cas qui suit, la riposte ne s'est guère fait attendre. Au début de leur mariage, Eddie et Erminie se rendaient souvent à Boston avec des amis. Je dois vous dire que les gens qui vivent à Saint John sont totalement différents des gens qui vivent dans le sud-est du Nouveau-Brunswick. Les gens de Saint John allaient toujours à Boston ou à New York, tandis que les gens de Moncton allaient toujours à Montréal ou à Toronto. Ce devait être quelque chose de génétique, mais j'ai toujours trouvé cela intriguant. Je préfère Montréal, et eux préfèrent Boston.

Lors de leur premier voyage à Boston après leur mariage, Eddie et Erminie se trouvaient devant un beau jeune réceptionniste. En remplissant la carte d'enregistrement, Eddie se tourna vers sa nouvelle épouse et lui demanda: «Quel est votre nom, encore?» Bien sûr, Erminie se sentit humiliée et voulut rentrer dans le plancher.

Quelques semaines plus tard, lors d'un deuxième voyage à Boston, au même hôtel et devant le même beau jeune réceptionniste, lorsque Eddie répéta sa blague, Erminie n'en fut que gênée. Puis, la troisième fois qu'Eddie voulut faire cette farce, devant le même beau jeune réceptionniste, Erminie était prête. Elle fit au réceptionniste un très gentil sourire et un timide clin d'oeil, du moins à ce qu'on m'a dit, puis lui glissa un billet dans la main en lui faisant un gros clin d'oeil et un grand sourire. Bien sûr, le réceptionniste fit un clin d'oeil en retour, ce qui embarrassa Eddie. Il ne refit plus jamais cette farce, et il ne sut pas non plus qu'il n'y avait absolument rien d'écrit sur le billet.

Erminie, malgré tout, le mariage a prospéré. Avant sa nomination au Sénat, Erminie et Eddie ont exploité pendant des années une boutique de mode et des complexes immobiliers à Saint John pendant plus de 50 ans tout en élevant trois merveilleux enfants, dont deux, Cathy et Shelley, sont ici cet après-midi.

Madame le sénateur Cohen, ma chère amie Erminie, a travaillé et travaille toujours sans relâche au nom de sa collectivité, de sa province et de son pays. Un de ses problèmes, c'est que, lorsqu'on lui demande de l'aide, elle est incapable de dire non. Vous avez un problème, Erminie: vous êtes incapable de dire non; vous étiez toujours en train d'aider les autres. Vous avez toujours été incapable de dire non aux groupes que d'autres députés ont également mentionnés: Centraide, la Fondation du diabète juvénile, la Fondation du Canada pour les maladies thyroïdiennes, le YM/ YWCA, le Hadassah Bazaar et votre synagogue. Le sénateur Cohen a été incapable de dire non lorsque le premier ministre McKenna lui a demandé de coprésider le Comité du Nouveau-Brunswick pour le Canada, lorsque le premier ministre Mulroney lui a demandé d'accepter le poste de sénateur, et lorsque le Très honorable Joe Clark lui a demandé de coprésider Groupe de travail du caucus national du Parti conservateur sur la pauvreté.

Opera New Brunswick bénéficiera de la sagesse et de l'énergie d'Erminie lorsqu'elle y assumera son nouveau rôle de présidente.

Ceux qui connaissent madame le sénateur Cohen savent que les causes qu'elle défend la passionnent. D'autres sénateurs ont mentionné les honneurs qu'elle a reçus du Jewish National Fund, des Nations Unies, de l'État d'Israël, de l'Organisation nationale antipauvreté, de l'Armée du Salut et, bien entendu, son récent diplôme honorifique.

Elle a appris à tous ceux qui l'ont côtoyée que la lutte en faveur de la minorité permet de gagner le respect de la majorité. Cela a toujours été son mot d'ordre. Elle a laissé sa marque au Sénat, qui sera moins agréable sans vous, Erminie. Elle a certes laissé sa marque sur le sénateur Simard et moi, car nous en sommes venus à la connaître beaucoup mieux au Sénat.

Après vous avoir regardée agir et avoir travaillé à vos côtés pendant huit ans, nous sommes fiers, Erminie, de dire que vous êtes notre amie. En tant que Néo-Brunswickois, nous en sommes fiers et nous vous adressons, ainsi qu'à vos enfants, à vos petits-enfants et à Eddie, nos meilleurs voeux. Je vous reverrai souvent, mais d'autres n'en auront peut-être pas l'occasion, et ils perdront beaucoup. Erminie est une Néo-Brunswickoise et nous sommes très fiers d'elle. Bonne chance, Erminie.

L'honorable Vivienne Poy: Honorables sénateurs, il y a trois ans, lorsque j'ai été appelée au Sénat, madame le sénateur Cohen m'a aidée à me familiariser avec les travaux des comités. J'ignore si elle en est consciente, mais elle est celle qui, pour moi, a donné un visage humain au Sénat. J'ai eu la chance de siéger à ses côtés, la plupart du temps, au Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. J'ai eu beaucoup de chance de l'avoir comme collègue, car Erminie a une riche expérience dans les luttes pour la justice sociale. Je crois que nous partageons beaucoup des mêmes valeurs.

Depuis 1993, année où elle a été appelée au Sénat, madame le sénateur Cohen fait porter ses efforts sur des questions d'intérêt humain, comme la pauvreté, la violence au foyer, les droits de la personne, la santé et l'alphabétisation.

Sa contribution la plus récente a été son rapport sur les conditions de vie des membres des Forces canadiennes et de leurs familles, rapport qui donnait suite à un rapport critique publié par l'autre endroit en 1998. Pour ses recherches, Erminie s'est adressée directement aux soldats et à leurs familles, cherchant à savoir de quels problèmes les dirigeants militaires devaient encore s'occuper. Dans son enquête, Erminie s'est comportée comme elle l'a fait toute sa vie: elle est allée sur place et elle a discuté avec les gens. Voilà une chose que j'ai apprise d'elle.

Erminie prendra sa retraite du Sénat cet été, et elle nous manquera beaucoup. Cependant, j'ai la certitude qu'elle poursuivra son travail dans la collectivité pendant encore de longues années. Son départ me privera d'une collègue, d'un mentor et d'une amie précieuse. Vous me manquerez, comme à tous les autres sénateurs.

(1440)

L'honorable Mabel M. DeWare: Erminie Joy Cohen est née le 21 juillet 1926. Son nom, Erminie Joy, traduit bien la joie qu'elle a apportée au Sénat depuis 1993.

Elle a su intégrer un élément humain à la politique en compatissant au sort des membres moins nantis de notre société, en leur permettant d'exprimer leurs espoirs, leurs craintes et leurs préoccupations, et finalement en leur donnant l'occasion d'aider à influencer la politique officielle.

Voyager en compagnie d'Erminie dans le cadre de l'étude sur la garde et le droit de visite a été une expérience déchirante pour nous tous. Le sénateur Carstairs et moi reconnaissons toutes deux que c'est Erminie qui nous a montré ce qu'étaient vraiment la sympathie et la compassion envers les démunis.

Erminie fait intégralement partie de sa collectivité depuis plus d'un demi-siècle. Autrement dit, elle a commencé à s'y intéresser dès son plus jeune âge, probablement juste après ses études collégiales, ou même avant. On sait qu'elle a reçu un grand nombre de récompenses et d'honneurs. De concert avec les autres sénateurs, je la félicite pour le diplôme honorifique que lui a décerné l'Université du Nouveau-Brunswick, à Saint John, en reconnaissance pour son travail infatigable pour lutter contre la pauvreté, défendre les droits de la personne et promouvoir les questions féminines. Cet honneur était tout à fait approprié.

Au moment de quitter le Sénat pour rejoindre son mari, Eddie, sa famille et sa collectivité, nos meilleurs voeux l'accompagnent. Nous apprécions au plus haut point les efforts généreux qu'elle a déployés pour nous et pour tous les Canadiens.

Ralph se joint à moi pour vous remercier personnellement pour votre compréhension et votre amitié.

L'honorable Sheila Finestone: Honorables sénateurs, je suis privilégiée et heureuse de pouvoir rendre hommage à une femme que je connaissais à peine jusqu'à ce voyage inoubliable qu'a été celui que nous avons fait à Beijing. J'étais avec cette femme qui avait travaillé pendant des années pour permettre aux démunis et aux femmes d'agir. Elle avait compris que l'équité était le premier pas vers l'égalité, et elle savait ce que signifie la liberté d'action, parce qu'elle l'avait appris de la base.

Erminie est une compagne de voyage fort agréable. J'hésite à dire qu'elle était malade comme un chien dans le train qui nous menait à Nanjing, mais c'était le cas. Elle était malade et misérable, de même que Hedy Fry, mais nous avons quand même réussi à acheter quelques foulards.

C'est une femme très élégante. Nous avions du plaisir simplement à la regarder. Nous disions qu'elle était vraiment intelligente, pas seulement en raison du choix de ses vêtements, mais aussi de la manière de se présenter. C'est une femme charmante et agréable, tout en étant une femme forte.

Selon ma culture et ma tradition juives, on rend hommage à une femme lorsqu'on la qualifie de «femme forte». Si quelqu'un peut parler d'une femme forte et la définir, il peut définir une Erminie Cohen.

Les honorables sénateurs ont tous parlé des prix décernés à cette femme au cours de sa vie. Ils ont fait état de sa contribution à la société, de son approche spéciale par rapport aux grandes difficultés qu'elle a rencontrées, des changements qu'elle a tenté d'apporter dans le domaine de la pauvreté et dans notre société qui, comme nous le savons tous, connaît de graves problèmes.

Les Canadiens ont pris connaissance du travail d'Erminie Cohen grâce à la recherche effectuée dans le cadre de l'étude sur la Loi canadienne sur les droits de la personne et sur les modifications qui s'imposaient, sous la direction du juge La Forest, je crois. Le rapport de cette étude consacre huit pages à Erminie Cohen et à son travail.

Erminie, je peux vous dire que vous allez beaucoup nous manquer; nous vous remercions d'avoir été un catalyseur de changement, une personne préoccupée par les conditions sociales et prête à s'exprimer à ce sujet, une collègue amusante et intéressante lors de nos déplacements pour le comité sur les droits de garde et de visite des enfants et en votre qualité de femme merveilleuse, excitante et dynamique.

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, lorsque je suis arrivée au Sénat, l'idée que je me faisais d'un sénateur était personnifiée par Royce Frith, un homme grand, élégant, aristocrate, un parangon de la mode, spirituel et mordant, un pur produit du Haut-Canada et la quintessence même du chic de Rosedale.

Travelling avant vers un nouveau paradigme, car les temps ont bien changé. Ce sont maintenant les représentants des régions éloignées du Canada qui symbolisent le sénateur idéal. De nos jours, il semble que la moitié des sénateurs soient du Nouveau-Brunswick.

Erminie Cohen est un sénateur qui a réuni en une seule personne le courage et la chaleur, une bonne portion de bon sens et l'ardeur dans le plaidoyer qu'elle a porté au niveau du grand art. Elle peut servir un dîner de Pessah à 40 personnes quelques minutes après que son vol d'Ottawa ait atterri à Saint John. Je vous assure que c'est vrai.

Il est rare que ceux qui épousent de grandes causes soient capables de laisser leurs émotions dicter leurs actions et aient en même temps la volonté, la passion et le pragmatisme nécessaires pour agir devant ce qu'ils perçoivent comme une injustice.

Après avoir participé au congrès des pauvres, en 1996, elle a réagi rapidement. On était alors au plus fort de la frénésie de lutte au déficit et de réduction des coûts. Les baisses d'impôt étaient alors considérées comme gagnantes, la réduction du déficit, sexy, et la défense des pauvres, comme une menace pour les partenaires potentiels de la droite. Elle ne s'est pas découragée, toutefois. Le rapport intitulé «La pauvreté au Canada: le point critique» a été qualifié d'évaluation exceptionnellement fine par des groupes de lutte contre la pauvreté, et le rapport intitulé «C'est à nous d'agir!», du groupe de travail, était considéré comme un document étonnamment audacieux. Les deux documents dénonçaient les interventions à la petite semaine qui en restent à la superficie des choses et en appelaient à la volonté politique.

Bien sûr, il y a d'autres domaines où Erminie a apporté sa contribution. Je me réjouis qu'on ait signalé la forêt en Israël et la mesure législative sur les droits de la personne, par exemple. Elle a changé des choses en défendant ses principes, quoi qu'il lui en coûte. Le sénateur Finestone a parlé des femmes courageuses de l'Ancien Testament, mais elle a oublié d'ajouter ceci: «qui valent plus que des rubis». Je préfère les émeraudes, en fait, mais allez-y, Erminie! Comme le dit la pub, «Vous le méritez bien!» Vous nous manquerez.

L'honorable Lucie Pépin: Honorables sénateurs, d'habitude, le mois de juin est synonyme de bonheur, car il symbolise la vie et l'espoir d'une saison plus clémente. Cette année, toutefois, nous n'avons pas autant le coeur à la fête parce c'est le temps de souhaiter bonne chance aux deux collègues qui nous quittent, soit les sénateurs Mabel De Ware et Erminie Cohen.

J'ai eu le plaisir de connaître le sénateur Cohen dans les années 80, lorsque je travaillais au Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme. C'était l'époque où, à l'occasion du rapatriement de la Constitution, les femmes luttaient pour que leur égalité de droits et de statut soit constitutionnalisée. C'était aussi l'époque où l'Autochtone Sandra Lovelace se défendait devant les tribunaux. C'était en outre l'époque où le Conseil consultatif canadien sur la situation de la femme et ses homologues provinciaux pressaient le gouvernement d'adopter une loi pour empêcher que les femmes ne soient victimes de violence. Erminie Cohen était de tous ces combats et de tous ces débats.

Le sénateur Cohen a maintenu son engagement: à preuve, son dévouement pour le refuge pour femmes battues de Centraide et pour le Groupe de travail sur le harcèlement sexuel en milieu de travail.

[Français]

Cette nomenclature est très courte comparativement à toute l'implication et aux réalisations d'Erminie. Elle a été la porte-parole des gens moins bien nantis: les pauvres. Ses rapports, «Sounding the Alarm: Poverty in Canada», publié en 1997 et «It's up to us», publié en l'an 2000, sont des outils de référence pour éliminer la pauvreté au Canada.

[Traduction]

Il est bien dommage que le projet de loi visant à ajouter la condition sociale à la liste des motifs de distinction illicites aux termes de la Loi canadienne sur les droits de la personne, le projet de loi S-11, ait été rejeté à la Chambre des communes.

[Français]

Il y aurait peut-être moins d'enfants défavorisés si la partisanerie n'avait pas agi dans ce dossier.

[Traduction]

Aujourd'hui, je perds plus qu'une collègue, je perds une soeur.

[Français]

Nos chemins se sont continuellement croisés, car nous avions le même objectif, soit la justice sociale. Erminie s'est également impliquée dans le dossier de la défense, visitant les épouses de militaires et publiant le rapport «Unsung Heroes: A Quality of Life Perspective on Canada's Military Families».

Erminie, je vous promets de faire le suivi dans ce dossier et de vous inviter, si on me le permet, à m'accompagner dans mes visites cet été sur les bases militaires. Comme toute bonne chose a une fin, votre passage au Sénat est déjà terminé.

[Traduction]

Je tiens à ce que vous sachiez, chère Erminie, que vous avez laissé votre marque à titre de sénateur, en raison non seulement de votre assiduité, mais aussi de votre contribution exceptionnelle. Vous avez ouvert une voie, grâce à votre approche en matière de justice sociale pleine de compassion pour chaque Canadien. Vous savez, Erminie, que vous serez toujours la bienvenue ici et que mon bureau sera toujours à votre disposition si vous en avez besoin. Vous entendrez parler de moi, car je compte bien vous téléphoner et mettre vos méninges à contribution de temps à autre. Je vous souhaite, ainsi qu'à Eddie, de la santé et beaucoup de bonheur ensemble.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, Erminie, j'aurais aimé que tous ces libéraux vous viennent un peu en aide lorsque vous aviez un amendement à proposer. Ils se réjouissent de votre départ.

Des voix: Non, non.

Le sénateur Tkachuk: Je sais, Erminie, que vous détestez les longs témoignages, mais c'est différent lorsqu'ils vous sont adressés.

Erminie et moi nous sommes rencontrés de ce côté du Sénat et je l'ai suivie pendant huit ans dans nos pérégrinations vers la rangée que nous occupons actuellement. Nous étions autrefois assis là-bas, à contempler les conservateurs, et nous nous retrouvons maintenant ici à regarder les libéraux. C'est toute une différence. Ce n'est toutefois qu'à nos sièges respectifs qu'Erminie se trouve à ma droite. Len Gustafson et moi servons d'appui-livres et je crois que le whip le fait exprès pour tenter de la garder dans le rang et s'assurer qu'elle ne dérive pas trop vers la gauche.

Je pourrais ajouter qu'Erminie est une conservatrice pure et dure. Elle concrétise les dossiers qui lui tiennent réellement à coeur, comme quelqu'un l'a si justement précisé. Elle insiste sur ses principes d'autonomie, sur la création de possibilités et sur la mise au point, de la part du gouvernement, de moyens pour faire avancer les choses. Au cours de toutes les années que j'ai passées au sein du caucus, je n'ai jamais entendu Erminie Cohen parler de donner de l'argent. Tout ce qu'elle préconisait devait être fondé et avoir un objectif. Nous sommes devenus de très bons amis tous les deux.

Je dois dire, Erminie, que lorsque je me retrouve en Saskatchewan, vous m'êtes d'une grande aide. Il y a bon nombre de gens de la gauche dans ma province. Je discute continuellement avec des gens de la gauche qui s'en prennent continuellement à l'indifférence des conservateurs face aux moins fortunés et je me sers souvent de vous comme exemple. Je leur dis: «Ce n'est pas vrai, il y a Erminie Cohen.»

Sharon et moi vous félicitons. Le meilleur compliment qu'on puisse faire à un sénateur, c'est de dire qu'il n'a pas perdu le temps qu'il ou elle a passé dans cette Chambre. Si nous pouvons tous nous dire, au moment de quitter le Sénat: «Nous n'avons pas perdu le temps que nous avons passé au Sénat», nous serons heureux de partir.

Je vous souhaite, à vous et à votre mari, la meilleure des chances et je sais que nous nous reverrons à de nombreuses occasions.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je ne peux prétendre avoir l'éloquence de certains de mes collègues...

Des voix: Oh, oh!

Le sénateur Grafstein: ... puisque je connaissais à peine le sénateur Cohen avant son arrivée au Sénat. Je ne la connaissais pas du tout avant qu'elle arrive ici et je me suis informé à son sujet. Mes collègues du Nouveau-Brunswick m'ont dit qu'elle avait une excellente réputation. Je me suis mis à la respecter davantage lorsque je l'ai regardée travailler et que je l'ai vue se lancer dans des débats au Sénat pour se porter à la défense des minorités, entre autres. À mon avis, sa participation au Sénat a été fort louable.

Honorables sénateurs, lorsque quelqu'un se voit dans l'impossibilité d'être aussi éloquent que les autres, il ou elle se tourne vers la Bible pour trouver conseil. Quel souhait formuler à l'intention d'une personne qui est de bon augure lorsqu'elle commence une nouvelle vie? Le meilleur auquel je puis penser est la salutation traditionnelle faisant référence à Moïse. Moïse, comme vous le savez, a vécu 120 ans, aussi la salutation usuelle serait: «Puissiez-vous vivre 120 ans.» Cependant, un examen plus poussé de la Bible nous révèle que ce n'est pas un souhait approprié pour une femme. Par conséquent, quel est le souhait à adresser à une femme de bon augure, une «femme forte», comme le sénateur Finestone l'a appelée? Si vous consultez la Bible, vous trouvez une salutation à Sarah qui est plus profonde et plus appropriée. Sarah était la première des quatre mères et elle a vécu 130 ans. Par conséquent, le souhait à offrir à une femme de bon augure est: «Puissiez-vous vivre jusqu'à 130 ans. Puissiez-vous vivre une vie longue et riche.» En hébreu, le mot joie se dit simcha. Le nom de mon père était Simcha. Cela signifie joie. En plus de celles que je vous ai déjà offertes, la meilleure salutation que l'on puisse vous faire, c'est: «Puissiez-vous avoir beaucoup de joie, et rien que de la simcha, au cours des années qui viennent.»

L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, je suis très honorée de rendre hommage à notre collègue, qui est aussi mon amie, Erminie Cohen. Je serai brève parce que je n'aime pas les au revoir.

Il n'y a pas une seule facette de la vie publique à laquelle Erminie Cohen n'a pas consacré avec enthousiasme ses nombreux talents. Que ce soit à la synagogue, dans les bibliothèques, les hôpitaux, le parti politique, les Conseils canadiens et néo-brunswickois sur le statut de la femme, la Commission de la capitale nationale ou le Sénat, elle s'est toujours consacrée entièrement à ses mandats. Contrairement à beaucoup, Erminie ne s'est pas contentée d'effleurer les grandes questions auxquelles notre société a été confrontée. Elle est plutôt du genre à plonger avec compassion dans le sujet et à travailler d'arrache-pied pour corriger ce qui ne va pas. Beaucoup de ses combats ont été mentionnés aujourd'hui et j'en mentionnerai à mon tour quelques-uns: les effets néfastes de la pauvreté dans notre société, l'horrible problème social que constitue la violence en milieu familial et les conditions de logement déplorables des familles de militaires canadiens. L'énergie qu'elle a consacrée à ces dossiers explique pourquoi, comme tant d'autres, j'admire Erminie.

Cependant, je voudrais parler brièvement sur un plan plus personnel. Je connais Erminie depuis de nombreuses années. Dans notre grand Parti conservateur — et le sénateur Tkachuk a montré à quel point il pouvait être grand — nous avons été et sommes encore des compagnes d'armes. Pendant toutes ces années, à toutes ces assemblées générales et à tous ces congrès d'orientation, je n'ai jamais pu trouver un seul sujet de désaccord entre elle et moi.

Je me souviens du soir où le premier ministre Mulroney a appelé Erminie pour l'informer qu'il la nommait au Sénat. Je lui laisserai vous dire quel conseil son mari lui a donné ce soir-là. Le premier ministre, fidèle à son habitude, lui a dit de garder cela secret qu'à ce que ce soit annoncé publiquement. Elle m'a appelée tout de suite après l'appel du premier ministre, et quiconque aurait écouté notre conservation aurait été fort déconcerté. Mon téléphone a sonné tard le soir. Elle a dit: «Marj, c'est Erminie», et puis nous sommes parties à rire toutes les deux.

Erminie a toujours été une véritable amie. Quand le mari de ma fille décédée, mon beau-fils, Ed Holmes, était sur le point de se remarier à ma nouvelle belle-fille, Tracey Eisenberg, je me suis rapidement tournée vers Erminie pour qu'elle me renseigne brièvement sur les us et coutumes de la foi juive.

(1500)

Elle m'a donné des livres et des fiches d'information qui m'ont été d'une grande utilité pendant que ma famille revêtait une nouvelle image.

Erminie, en quittant cet endroit, vous nous manquerez à tous. Quant à moi, vous me manquerez plus que vous ne croyez. Cependant, compte tenu de l'énergie qui vous anime et de votre engagement dans des causes qui en valent la peine, je sais que nous travaillerons ensemble dans bien des entreprises dans l'avenir. Il est malheureux que le temps soit intervenu — même si cela ne paraît pas — et qu'il ait dicté que le Sénat n'était plus une de ces entreprises.

Je vous souhaite donc à vous, Erminie, à Eddie, à vos enfants, Cathy, Lee et Shelley, ainsi qu'à votre petit-fils, une vie enrichissante et satisfaisante dans l'avenir.

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, que peut-on dire de plus au sujet d'Erminie? J'ai eu l'honneur de partager la même banquette qu'elle pendant une bonne partie des huit années qu'elle a passées au Sénat, et j'y suis arrivé en même temps. Laissez-moi vous dire que, lorsqu'Erminie vous touche la main et que vous la regardez dans les yeux, vous savez que vous venez d'être touché par une femme d'une grande compassion.

Erminie, vous avez toujours pris le parti des négligés. Vous avez même pris à l'occasion des nouvelles des agriculteurs. Vous avez toujours accordé la priorité à ceux qui souffrent. Nous vous saluons aujourd'hui et nous vous souhaitons de nombreuses années de bonheur avec votre famille. Que Dieu vous garde.

Son Honneur le Président: Avant de céder la parole au sénateur Cohen, j'aimerais vous signaler, honorables sénateurs, la présence à la tribune de deux des filles du sénateur Cohen, Cathy Tait et Shelley Cohen-Thorley, ainsi que de trois de ses amis, Stella Torontow, Shimon Fogel et le Dr Ralph DeWare. Nous leur souhaitons la bienvenue au Sénat pour partager ce moment spécial avec le sénateur Cohen.

[Français]

L'honorable Marcel Prud'homme: Sénateur Cohen, je vous l'ai dit à plusieurs reprises, je vous le dis publiquement, votre sourire apaisant va me manquer. Chaque fois que je me questionnais sur les grands problèmes politiques à l'échelle internationale, je vous regardais, j'allais vous en parler et vous aviez l'art, par votre sourire, de désarmer les problèmes les plus difficiles. C'est le souvenir de ce sourire que je veux garder de vous. Il va me manquer.

[Traduction]

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, je suis profondément touchée — et plus qu'un peu gênée — par les hommages généreux et touchants que vous m'avez rendus.

Comme des feuilles transportées par les vents volatiles et changeants soufflant d'Europe de l'Est, mes grands-parents ont débarqué sur les rives du Nouveau-Monde en rêvant à de nouvelles vies, où la promesse d'un bon accueil et la sécurité succéderaient à la peur et à l'incertitude connues dans leur pays d'origine.

Jamais, cependant, honorables sénateurs, ils n'auraient osé, dans leurs rêves les plus optimistes et les plus fous, imaginer qu'une de leurs petites-filles s'adresserait à une si noble assemblée dans une si auguste Chambre, en tant que collègue et amie, pour lui faire ses adieux. J'ai été un symbole du «rêve impossible», et c'est avec un mélange égal de fierté et d'humilité que je vous livre aujourd'hui quelques pensées personnelles, avant de clore ce chapitre de ma vie pour me lancer dans de nouveaux défis.

Une idée reçue veut que «la familiarité engendre le mépris». Pourtant, lorsque je réfléchis au nombre innombrable de fois, au cours des huit dernières années, où je suis intervenue dans cette enceinte, je suis autant impressionnée par notre institution que lorsque j'ai été assermentée comme sénateur. Ailleurs, des gens respirent l'air. Ici, cependant, nous, les parlementaires, pouvons compter sur l'honneur extraordinaire de respirer l'histoire, de bâtir notre pays, une tâche à laquelle nous avons le privilège d'offrir nos modestes contributions personnelles.

Même si elles sont peut-être modestes individuellement, dans l'ensemble, elles représentent la richesse de notre patrimoine canadien qui fait l'envie du monde. Dans cette mesure, j'ai joué un rôle dans cette grande aventure. J'en suis extrêmement reconnaissante.

Honorables sénateurs, je vais revenir sur l'importance de notre institution dans un moment ou deux, mais tout d'abord, je me dois de rendre hommage à certaines personnes qui ont joué un rôle important dans ma vie au cours des dernières années et d'autres qui en font autant.

J'ai dit que nous étions privilégiés et en fait, je pense que tous les honorables sénateurs seront d'accord avec moi. Cependant, je pense également que tous les hommes et toutes les femmes qui ont servi le Canada dans notre institution vont reconnaître que ce privilège a un prix élevé. Nous avons la satisfaction d'avoir aidé à façonner notre pays, mais ceux qui s'occupent de notre foyer durant nos absences fréquentes sont de véritables héros oubliés. J'ai été choyée bien des fois dans ma vie, mais par-dessus tout, j'ai pu compter sur l'amour et l'appui indéfectible de mon conjoint de toute une vie, mon mari Edgar. Tous les sacrifices que j'ai faits dans le cadre de mes efforts ici sont également les siens, et il doit partager avec moi les louanges qui me sont adressées. Je suis désolée que sa mauvaise santé l'ait empêché d'être ici avec nous aujourd'hui.

En vérité, je dois dire que l'appui qu'il m'a toujours apporté dans toutes mes entreprises publiques est également le fait de mes enfants, Cathy, Shelley et Lee. Je leur suis reconnaissante de leurs encouragements et de leur compréhension, et je voudrais qu'ils sachent que s'ils sont fiers de mes réalisations, je suis tout autant fière des leurs.

Ce moment me donne l'occasion de faire une grande introspection et alors que je réfléchis à ma famille, je me rappelle l'observation de Robert Heinlein, qui définit bien le fond de ce qui caractérise notre relation. Il a écrit:

L'amour est cette situation dans laquelle le bonheur de l'autre est essentiel au vôtre.

Si ma famille a partagé le fardeau des sacrifices avec moi au cours de ces dernières années, elle partage quelque chose d'autre avec un autre groupe de gens exceptionnels que j'ai appris à admirer, à respecter et à aimer, et que j'ai appelé il y a un instant les «héros oubliés».

Les activités du Parlement tournent autour de nous et de nos collègues à l'autre endroit. Trop souvent, nous sommes victimes d'une faille humaine qui est commune mais néanmoins regrettable, celle de ne pas apprécier les autres à leur juste valeur. Si nous sommes capables de nous concentrer sur la tâche à accomplir, c'est en grande partie grâce aux innombrables personnes qui travaillent dans les coulisses, toujours vigilants dans leurs efforts en vue d'assurer la bonne marche du Sénat. Les greffiers, le personnel de recherche et les équipes juridiques, avec tout le talent et l'expérience qu'ils ont; ceux qui ont la lourde tâche d'assurer la sécurité du Sénat; les pages du Sénat qui s'empressent toujours de répondre à nos moindres besoins; les messagers qui sont tous là pour nous; les membres du personnel du Sénat, qui définissent l'excellence et l'attachement au processus démocratique et qui font tous maintenant partie de ma famille élargie; enfin, les traducteurs que nous ne voyons jamais mais dont la contribution est vitale — nous ne pourrions pas fonctionner sans eux. Pendant le temps que j'ai passé ici, j'ai essayé de leur faire part de ma reconnaissance pour leur dévouement et j'exhorte tous les sénateurs à prendre le temps d'exprimer leur appréciation à ces gens exceptionnels.

Même s'il a écrit ces mots il y a plus d'un siècle, Oliver Wendell Holmes aurait pu être en train de décrire une personne qui occupe une place très spéciale dans ma vie de sénateur lorsqu'il a dit ceci:

Le service le plus noble vient de mains inconnues, et le meilleur serviteur fait son travail dans l'ombre.

Je ne laisserai cependant pas passer cette occasion sans nommer cette personne.

Honorables sénateurs, Suzanne Belliveau, ma protectrice et mon organisatrice, ma muse et ma conseillère, mon adjointe, mon amie. Plus que quiconque, Suzanne m'a aidée à naviguer dans le système et à m'assurer que mon message atteignait le but visé. Dans l'esprit de l'histoire biblique de Noémi et de Ruth, mes préoccupations et mes défis sont devenus les siens, et je suis heureuse d'avoir cette occasion de remercier publiquement Suzanne pour son dévouement et son amitié.

(1510)

Honorables sénateurs, le chef de mon parti a souvent dit du Canada qu'il formait une communauté de communautés. Bien qu'il n'ait pas spécialement fait allusion à cela aujourd'hui, j'en suis venue à considérer le Sénat et ceux qui y siègent des deux côtés de la Chambre comme une communauté exceptionnelle dans ce merveilleux pays qui est le nôtre. Je n'ai jamais eu le luxe de siéger du côté du gouvernement au Sénat — sauf pour deux semaines. J'ai cependant la grande joie de travailler avec un groupe de personnes éminentes qui, réunies, forment le Sénat.

À certains égards, j'estime qu'il est terriblement désolant que l'attention du public soit focalisée de façon aussi disproportionnée sur les activités de l'autre Chambre. Le cynisme engendré par l'exercice des pouvoirs et le processus politique diminuerait considérablement, si seulement les Canadiens pouvaient se rendre compte de la qualité de nos débats ici et aux comités. Lors de mon séjour au Sénat, j'ai toujours pensé que le sérieux et la profondeur qui caractérisent nos échanges ne sont rien de moins qu'exceptionnels. Bien qu'il soit vrai que la démocratie parlementaire soit fondée sur le principe de la confrontation des idées politiques, je trouve édifiant d'être partie prenante d'un processus où, plus souvent qu'autrement, les idées transcendent l'esprit partisan, et où les allégeances régionales font place aux valeurs et aux espoirs du plus grand nombre. Je trouve cela inestimable.

Honorables sénateurs, il n'est pas d'institution, ni même la nôtre, qu'on ne puisse améliorer, et nous devons tous reconnaître que les nombreux avis formulés sur les possibilités de réforme parlementaire méritent un examen sérieux; ne laissons cependant personne nous dire que cette institution est sans importance, car ce serait enlever aux Canadiens un atout démocratique que je considère extrêmement précieux.

Honorables sénateurs, j'ai beaucoup appris lors de mon passage au Sénat et je chérirai à jamais le savoir que j'y ai acquis, mais surtout, ce qui me tient le plus à coeur, c'est la possibilité que m'ont donnée mes fonctions au Sénat d'attirer l'attention sur ceux qui n'ont pas voix au chapitre. L'adoption du projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d'ajouter la condition sociale comme motif de distinction illicite, adopté au Sénat à l'unanimité il y a trois ans, est le point culminant d'un travail de sept années consacrées à la représentation de ceux qui n'avaient plus voix au chapitre. J'ai eu par la suite l'honneur de coprésider le Groupe de travail du caucus national progressiste-conservateur sur la pauvreté qui a publié un rapport, intitulé «C'est à nous d'agir!»

J'ai tiré un grand enrichissement des efforts que j'ai consentis pour donner des moyens d'agir et des perspectives améliorées aux personnes affligées par la pauvreté, aux personnes pour lesquelles la clochardise est une réalité chronique. J'espère qu'après mon départ, d'autres se feront les porte-parole des personnes invisibles et privées de pouvoir. J'espère que leurs besoins ne seront pas oubliés et que la volonté de les aider à trouver leurs propres porte-parole demeurera. J'espère que les sénateurs ici présents aujourd'hui et ceux qui prendront la relève au Sénat demain et dans les jours suivants persévéreront dans la lutte sans fin visant à assurer la prospérité et le bien-être de tous les Canadiens. Je leur souhaite bonne chance dans la poursuite de la tradition de se préoccuper des gens qui caractérise le Sénat et le pays, tradition à laquelle j'ai eu le grand privilège de contribuer.

Honorables sénateurs, ayant présent à l'esprit l'avertissement que Thomas Jefferson a servi à David Harding, auquel il avait dit que les longs discours ne laissent pas de trace, permettez-moi de conclure mon intervention en vous citant une parabole hassidique qui tire son origine de l'endroit quitté par mes grands-parents pour venir s'installer au Canada: un vieux sage avait entendu parler d'un brillant jeune étudiant habitant dans une ville lointaine. Désireux de déterminer lui-même à quel point le jeune homme se démarquait, le sage s'est rendu dans la ville lointaine. Ayant trouvé l'académie où le jeune universitaire passait tout son temps, le vieux sage a tranquillement observé celui-ci à partir d'un angle de la grande salle. Au bout de quelques jours, le jeune homme a remarqué la présence du sage et lui a fait signe de s'approcher. Avant longtemps, les deux se sont adonnés à de nobles discussions intellectuelles, jusqu'à ce que vienne le moment pour le vieux sage de rentrer chez lui.

Avant le départ de celui-ci, le jeune homme lui a demandé l'objet de sa visite et a obtenu une réponse franche, y compris une évaluation selon laquelle il méritait bien la réputation qui le précédait. Le jeune homme a demandé si le vieux sage voulait savoir autre chose avant de partir, et celui-ci a dit qu'il n'avait qu'une question. «Comment se fait-il, demanda le vieil homme, que vous ne sembliez pas prêter attention à tous les simples gens qui passent en cet endroit?» Le jeune étudiant a bougé la tête dans un signe d'assentiment et a expliqué qu'il était absorbé par la plus profonde des enquêtes universitaires et intellectuelles et qu'il ne pouvait se préoccuper des besoins banals et insignifiants des gens simples.

Sans ajouter un mot, le vieux sage s'est levé et s'est dirigé vers la porte en secouant doucement la tête. Juste au moment où il s'apprêtait à franchir la porte, il s'est retourné vers le jeune érudit et lui a dit: «Lorsqu'il fait froid, il y a deux façons pour une personne de se garder au chaud. Elle peut mettre un manteau de fourrure ou allumer un feu. La différence entre les deux, c'est que le manteau de fourrure ne va garder qu'une personne au chaud mais que le feu va réchauffer tous ceux qui l'entourent».

Honorables sénateurs, le Sénat peut représenter le feu qui réchauffe les Canadiens et ses membres les allumettes qui servent à l'allumer. Il faut l'alimenter pour chasser le froid de la pièce. Je vous remercie et je demande à Dieu de vous bénir. Ce fut un honneur pour moi d'être parmi vous.

Des voix: Bravo!


[Français]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LA SEMAINE NATIONALE DE LA FONCTION PUBLIQUE

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, à l'occasion de la Semaine nationale de la fonction publique, je rends hommage à ces hommes et à ces femmes qui travaillent au service du Canada tant dans la capitale nationale que dans l'une de nos régions ou dans un autre pays.

Pendant plus de 25 ans, j'ai été témoin quotidiennement du professionnalisme de ces individus et de la qualité du travail effectué. Comme vous le savez, honorables sénateurs, il s'agit de mettre le pied à l'extérieur du Canada pour entendre des louanges bien méritées au sujet de nos fonctionnaires.

En votre nom, honorables sénateurs, je les remercie. Je félicite notre gouvernement d'avoir pris la décision d'aller au bout des réformes nécessaires pour que la fonction publique du Canada continue d'évoluer, d'innover, de s'adapter à une économie et à une société fondées sur le savoir pour aider le gouvernement à s'acquitter de ses responsabilités.

LE CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES

LA DÉCISION REFUSANT UNE LICENCE D'EXPLOITATION PERMETTANT DE DESSERVIR LA POPULATION FRANCOPHONE EN COLOMBIE-BRITANNIQUE

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, les tribunaux canadiens ont déjà déclaré, et je cite:

Les droits linguistiques ne sont pas des droits négatifs, ni passifs; ils ne peuvent être exercés que si les moyens en sont fournis.

La Société Radio-Canada a demandé au CRTC une licence d'exploitation afin de desservir la population francophone et francophile de la région de Vancouver et de Victoria.

C'eût été une deuxième radio française à Vancouver, alors qu'il existe 18 services en anglais et trois dans une langue autre que les deux langues officielles du Canada. À Victoria, la capitale de la Colombie-Britannique, c'eût été un premier service de langue française.

Il y a maintenant 28 ans que les francophones de Victoria réclament un service de langue française. Il est difficile de comprendre cette décision du CRTC. D'une part, Radio-Canada a le mandat d'assurer la distribution de son signal en français et en anglais à travers le pays et, plus particulièrement, dans chacune des capitales provinciales. Dans la ville de Québec, les 13 000 anglophones reçoivent depuis son origine le signal de Radio-Canada — CBC Radio One.

Il est difficile de comprendre pourquoi le CRTC n'a pas accordé la fréquence demandée. La ville de Victoria est la seule capitale provinciale où l'on ne retrouve pas la programmation française et anglaise de Radio-Canada. À Vancouver, un deuxième service en français aurait été bien accueilli.

La décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) doit être réexaminée.

Dans son dernier rapport, déposé il y trois mois auprès de Son Excellence la Gouverneure générale et intitulé: «Vers un avenir mieux équilibré», le CRTC promettait l'attribution de nouvelles fréquences et ce, dans l'intérêt public et en conformité avec les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Il est difficile sinon impossible de réconcilier ces objectifs avec la décision négative rendue suite à l'avis public CRTC 2001-63.


[Traduction]

(1520)

AFFAIRES COURANTES

LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Lowell Murray, président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, présente le rapport suivant:

Le mardi 12 juin 2001

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales a l'honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Votre Comité, auquel a été déféré le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, a, conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 31 mai 2001, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,
LOWELL MURRAY

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Robichaud, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)b) du Règlement, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

[Français]

LE BUDGET DES DÉPENSES DE 2001-2002

DÉPÔT DU RAPPORT INTÉRIMAIRE DU COMITÉ DES FINANCES NATIONALES

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le huitième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales portant sur le Budget des dépenses 2001-2002.

[Traduction]

L'ÉTUDE DU SYSTÈME DE SOINS DE SANTÉ

BUDGET ET DEMANDE D'AUTORISATION DE SE DÉPLACER—PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

L'honorable Michael Kirby, président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, a l'honneur de présenter le rapport suivant:

Le mardi 12 juin 2001

Le Comité permanent sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie a l'honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Votre Comité, autorisé par le Sénat le 1er mars 2001 à examiner pour en faire rapport l'état du système de soins de santé au Canada, demande respectueusement, à pouvoir se déplacer au Canada aux fins de ces travaux.

Conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, la demande de budget présenté été imprimé dans les Journaux du Sénat le 24 avril 2001. Le 16 mai 2001, le Sénat a approuvé un déblocage de fonds de 5 000 $. Le rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration recommandant un déblocage additionnel de fonds est annexé au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
MICHAEL KIRBY

(Le texte du rapport figure à la p. 709 de l'annexe A dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Kirby, l'étude du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

LANGUES OFFICIELLES

DÉPÔT DU CINQUIÈME RAPPORT DU COMITÉ MIXTE

L'honorable Shirley Maheu: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer le cinquième rapport du Comité mixte permanent des langues officielles concernant les services bilingues offerts par Air Canada.

[Traduction]

BUDGET ET DEMANDE D'AUTORISATION POUR ENGAGER DU PERSONNEL—PRÉSENTATION DU CINQUIÈME (A) RAPPORT DU COMITÉ MIXTE PERMANENT DES LANGUES OFFICIELLES

L'honorable Shirley Maheu, coprésidente du Comité mixte permanent des langues officielles, présente le rapport suivant:

Le mardi 12 juin 2001

Le Comité mixte permanent des langues officielles a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME (A) RAPPORT

Votre Comité, qui est autorisé par l'article 88 de la Loi sur les langues officielles de suivre l'application de la loi, des règlements et instructions en découlant, ainsi que la mise en oeuvre des rapports du commissaire aux langues officielles, du président du Conseil du Trésor et du ministre du Patrimoine canadien, demande respectueusement que le Comité soit autorisé à retenir les services d'avocats, de conseillers techniques et de tout autre personnel jugé nécessaire aux fins de son enquête.

Conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, le budget présenté au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, ainsi que le rapport s'y rapportant, sont annexés au présent rapport.

Respectueusement soumis,

La coprésidente,
SHIRLEY MAHEU

(Le texte du budget figure à la p. 715 de l'annexe B dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Maheu, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

L'ÉTUDE DES FAITS NOUVEAUX EN RUSSIE ET EN UKRAINE

BUDGET—PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

L'honorable Peter A. Stollery, président du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, présente le rapport suivant:

Le mardi 12 juin 2001

Le Comité permanent sénatorial des affaires étrangères a l'honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre Comité fut autorisé par le Sénat le 1er mars 2001 à examiner, pour en faire rapport, les faits nouveaux en matière de politique, de questions sociales, d'économie et de sécurité en Russie et en Ukraine, les politiques et les intérêts du Canada dans la région, ainsi que d'autres sujets connexes.

Conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, la demande de budget présentée a été imprimée dans les Journaux du Sénat le 25 avril 2001. Le 2 mai 2001, le Sénat a approuvé un déblocage de fonds de 62 340 $. Le rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration recommandant un déblocage additionnel de fonds est annexé au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
PETER STOLLERY

(Le texte du rapport figure à la p. 716 de l'annexe C dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Stollery, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

ÉNERGIE, ENVIRONNEMENT ET RESSOURCES NATURELLES

BUDGET ET DEMANDE D'AUTORISATION DE SE DÉPLACER—PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ

L'honorable Nicholas W. Taylor, président du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, présente le rapport suivant:

Le mardi 12 juin 2001

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a l'honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Votre Comité, autorisé par le Sénat le 1er mars 2001 à étudier les questions qui pourraient survenir occasionnellement se rapportant à l'énergie, à l'environnement et aux ressources naturelles, demande respectueusement à pouvoir se déplacer à l'extérieur du Canada aux fins de ces travaux.

Conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, la demande de budget présentée a été imprimée dans les Journaux du Sénat le 29 mars 2001. Le 3 avril 2001, le Sénat a approuvé un déblocage de fonds de 162 820 $. Le rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration recommandant un déblocage additionnel de fonds est annexé au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
NICHOLAS W. TAYLOR

(Le texte du rapport figure à la p. 717 de l'annexe D dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Taylor, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

DROGUES ILLICITES

BUDGET—PRÉSENTATION DU RAPPORT DU COMITÉ SPÉCIAL

L'honorable Pierre Claude Nolin, président du Comité spécial sur les drogues illicites, présente le rapport suivant:

Le mardi 12 juin 2001

Le Comité spécial sur les drogues illicites a l'honneur de présenter son

DEUXIÈME RAPPORT

Votre Comité a été autorisé par le Sénat le 15 mars 2001 à réexaminer les lois et les politiques antidrogue canadiennes.

Conformément à l'article 2:07 des Directives régissant le financement des comités du Sénat, la demande de budget présenté a été imprimée dans les Journaux du Sénat le 10 mai 2001. Le 16 mai 2001, le Sénat a approuvé un déblocage de fonds de 98 500 $. Le rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration recommandant un déblocage additionnel de fonds est annexé au présent rapport.

Respectueusement soumis,

Le président,
PIERRE CLAUDE NOLIN

(Le texte du rapport figure à la p. 718 de l'annexe E dans les Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Nolin, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance du Sénat.)

L'AJOURNEMENT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'à demain, le mercredi 13 juin 2001, à 13 h 30.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

LA LOI SUR LA SOCIÉTÉ DU CRÉDIT AGRICOLE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

Son Honneur le Président annonce au Sénat qu'il a reçu de la Chambre des communes un message accompagné du projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la Société du crédit agricole et d'autres lois en conséquence.

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Robichaud, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 57(1)f) du Règlement, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la présente séance.)

(1530)

LA LOI SUR LES CORPORATIONS CANADIENNES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—PREMIÈRE LECTURE

L'honorable Norman K. Atkins présente le projet de loi S-30, Loi modifiant la Loi sur les corporations canadiennes (corporations simples).

(Le projet de loi est lu une première fois.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand lirons-nous ce projet de loi une deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Atkins, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la séance d'après-demain.)

[Français]

LE GROUPE INTERPARLEMENTAIRE CANADA—JAPON

DÉPÔT DU RAPPORT DE LA DÉLÉGATION CANADIENNE À LA RÉUNION TENUE DU 30 AVRIL AU 4 MAI 2001

L'honorable Marie-P. Poulin: Honorables sénateurs, en vertu de l'article 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation du Groupe interparlementaire Canada-Japon à la 11e réunion annuelle qui s'est tenue du 30 avril au 4 mai 2001, à Ottawa et à Montréal.

[Traduction]

AGRICULTURE ET FORÊTS

L'ÉTUDE SUR L'ÉTAT ACTUEL ET FUTUR DES FORÊTS—AVIS DE MOTION AUTORISANT LE COMITÉ À DÉPOSER SON RAPPORT FINAL AUPRÈS DU GREFFIER

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, je donne avis que, le mercredi 13 juin 2001, je proposerai:

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, qui a été autorisé par le Sénat, le 20 mars 2001, à recevoir et à examiner, afin d'en faire rapport, les documents, les témoignages et les travaux que le comité a accomplis pendant la deuxième session de la trente-sixième législature, en ce qui concerne l'état actuel et futur des forêts, et à en faire rapport au plus tard le 30 juin 2001, soit habilité, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que le rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

NELSON MANDELA

AVIS DE MOTION VISANT À LE DÉCLARER CITOYEN HONORAIRE DU CANADA

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, conformément aux paragraphes 56(1) et 58(1) du Règlement, je donne avis que, demain, je proposerai:

Que le Sénat, reconnaissant l'exceptionnel leadership moral exercé par Nelson Mandela en Afrique du Sud et à l'échelle du monde entier, afirme qu'il soit désigné citoyen d'honneur du Canada.

[Français]

LA SITUATION DES LANGUES OFFICIELLES EN ONTARIO

L'INCIDENCE SUR LA FORMATION POSTSECONDAIRE ET LES SOINS DE SANTÉ—AVIS D'INTERPELLATION

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je donne avis que jeudi prochain, le 14 juin 2001, j'attirerai l'attention du Sénat sur les dossiers de l'heure portant sur les langues officielles en Ontario, particulièrement sur la formation postsecondaire et le manque d'ententes entre l'Ontario et le Canada, ainsi que sur les services de santé en français en Ontario.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

LA DÉFENSE NATIONALE

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—LES MODIFICATIONS APPORTÉES AUX BESOINS LIÉS AUX VÉHICULES DE BASE

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je ne saurais laisser passer l'occasion de poser quelques autres brèves questions à madame le leader du gouvernement au Sénat, d'autant plus qu'elle a maintenant reçu une bonne séance d'information.

Depuis 1968, neuf Sea King se sont écrasés en mer à cause d'une panne de moteur. De ce nombre, quatre, soit près de la moitié, se trouvaient dans des conditions ISA plus 20, et trois de ces quatre hélicoptères se sont écrasés dans les eaux de l'Atlantique, au large de Porto Rico et des Bermudes. Compte tenu de ces statistiques qu'il est facile de se procurer auprès du ministère de la Défense nationale, la ministre refuse-t-elle d'admettre que ISA plus 20 ne constitue pas une température extrême, comme le gouvernement semble continuer de l'affirmer?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, encore une fois, le sénateur veut que nous fassions quelque chose que nous pensions faire cet automne, soit examiner les règles régissant les soumissions concernant le projet d'hélicoptère maritime.

J'ai appris quelque chose de très intéressant hier à la séance d'information, à savoir que le rôle premier de l'hélicoptère maritime n'est pas la recherche et le sauvetage. L'hélicoptère maritime a comme rôle premier la défense et le gouvernement du Canada a annoncé l'achat de 15 Cormorant dont le rôle premier sera la recherche et le sauvetage. Le Cormorant, également connu sous le nom de EH-101, est l'appareil dont nous avons beaucoup entendu parler ici au Sénat. Il possède toutes les caractéristiques voulues en terme de rayon d'action.

Il est clair que le rôle de recherche et de sauvetage sera correctement assumé, à l'exception des situations d'urgence, par l'appareil pour lequel les contrats ont été émis et dont nous espérons recevoir le premier exemplaire en 2002.

LE REMPLACEMENT DES HÉLICOPTÈRES SEA KING—LES EXIGENCES CONCERNANT L'ÉTAT DE LA MER ET LES AMERRISSAGES FORCÉS

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je ne vois pas le lien avec la question que j'ai posée. Quoi qu'il en soit, sur les neufs Sea King qui ont fait un amerrissage forcé, cinq ont été repêchés et remis en service. Pour quelles raisons exige-t-on que l'hélicoptère maritime puisse opérer quand la houle est entre cinq et six, alors qu'on exige qu'il puisse résister à un amerrissage forcé quand la houle mesure trois sur l'échelle d'état de mer?

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je ne peux pas répondre à une question technique de ce genre au Sénat car je n'en n'ai pas reçu préavis. Toutefois, je suis sûre que les spécialistes qui en savent long sur cet appareil seront capables de le faire à la séance d'information.

Le sénateur Forrestall: Honorables sénateurs, madame le ministre ne convient-elle pas que toute mission de recherche et de sauvetage constitue une urgence?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, quand nous envoyons un appareil et un équipage en mission de recherche et de sauvetage, de par sa nature même, cela constitue une urgence. Je suis tout à fait d'accord avec l'honorable sénateur.

[Français]

(1540)

LE PATRIMOINE CANADIEN

LA DIFFUSION DE LA PROGRAMMATION FRANÇAISE EN COLOMBIE-BRITANNIQUE—LA DÉCISION DU CONSEIL DE LA RADIODIFFUSION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La Société Radio-Canada a demandé au CRTC une licence d'exploitation afin de desservir la population francophone et francophile de Vancouver et de Victoria. À Victoria, la capitale de la Colombie-Britannique, il n'existe aucun service de langue française. Il y a maintenant 28 ans que les francophones de Victoria réclament un service de langue française. Il est difficile de comprendre cette décision du CRTC. Pourtant, dans son récent rapport sur les services de radiodiffusion de langue française en milieu minoritaire intitulé: «Vers un avenir mieux équilibré», le CRTC promettait d'être plus sympathique et proactif à l'arrivée de nouvelles chaînes françaises.

La ministre peut-elle s'informer auprès de ses collègues du Cabinet, à savoir si la ministre du Patrimoine canadien a l'intention de demander au CRTC de reconsidérer son refus d'accorder une licence à la Société Radio-Canada pour diffuser sa programmation française à Victoria, la capitale de la Colombie-Britannique, et ainsi satisfaire à la politique nationale voulant que toutes les capitales provinciales soient desservies par les chaînes anglaise et française, a mari usque ad mare?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Gauthier a posé une question importante. Il m'en avait donné préavis et j'ai essayé d'obtenir les renseignements supplémentaires, mais on ne me les a pas encore communiqués. Je vais poursuivre mes efforts en vue d'obtenir les renseignements concernant la décision du CRTC. Permettez-moi d'assurer au sénateur que je ferai part de son intervention à mes collègues du Cabinet.

[Français]

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer en cette Chambre les réponses différées à deux questions, soit la question du sénateur Murray du 29 mai 2001 concernant les responsabilités du Cabinet, et la question du sénateur Oliver du 10 mai 2001 concernant les efforts du gouvernement pour formuler une politique en matière de construction navale.

LE CABINET DU PREMIER MINISTRE

DEMANDE D'UNE DÉCLARATION CONCERNANT LA CONVENTION RELATIVE À LA SOLIDARITÉ MINISTÉRIELLE

(Réponse à la question posée le 29 mai 2001 par l'honorable Lowell Murray)

- Le principe de responsabilité collective du Cabinet à la Chambre des communes est l'une de ces conventions.

- Les conventions de notre constitution sont des règles non écrites auxquelles les participants à la vie publique sont censés adhérer, mais qui, contrairement aux lois, ne sont pas appliquées par les tribunaux.

- Les conventions sont essentiellement d'ordre politique, et les sanctions imposées à ceux qui ne s'y conforment pas sont politiques plutôt que juridiques.

- Sir Wilfrid Laurier l'a clairement exprimé à la Chambre des communes le 18 mars 1903 (Débats de la Chambre des communes, p. 134-135):

On ne saurait s'attendre à ce qu'un accord parfait d'opinions règne toujours au sein de la salle de délibérations du conseil des ministres; la chose n'est pas plus possible au sein du conseil que parmi toute autre réunion d'hommes. Cette divergence de vues est dans la nature humaine; elle existe même entre les meilleurs amis et parmi ceux qui professent les mêmes opinions politiques, il éclate de graves conflits d'opinions sur certains points. Or, c'est afin de concilier ces divergences de vues que le conseil des ministres tient ses délibérations; c'est pour étudier la situation du pays qu'il tient ses séances, afin de faire jaillir de cette étude une solution: solution qui alors acquiert force de loi pour tous ceux qui veulent demeurer au sein du Cabinet. Ce serait tomber dans les redites que d'affirmer que la solidarité entre les membres d'un même gouvernement est d'absolue nécessité; que du moment qu'un système a été définitivement formulé et arrêté par le ministère, chaque membre de ce Cabinet a le devoir de lui prêter son plein et entier appui.

L'INDUSTRIE

LES EFFORTS DU GOUVERNEMENT POUR FORMULER UNE POLITIQUE EN MATIÈRE DE CONSTRUCTION NAVALE

(Réponse à la question posée le 10 mai 2001 par l'honorable Donald H. Oliver)

Le ministre de l'Industrie procède actuellement à l'examen du rapport sur le projet de partenariat national pour le secteur de la construction navale et maritime industrielle intitulé: «Vaincre les obstacles vers la prospérité: industrie de la construction navale et maritime industrielle», dont une copie a été remise aux honorables sénateurs en avril 2001. Les recommandations formulées dans ce rapport touchent une vaste gamme de questions et sont complexes. De plus, un grand nombre des questions soulevées portent sur des responsabilités assumées par d'autres ministres fédéraux ou d'autres paliers de gouvernement. Le ministre planifier consulter ses collègues et ses homologues provinciaux avant de faire l'annonce d'une nouvelle politique fédérale s'appliquant à cette industrie.

En ce qui a trait à la menace de l'Union européenne de présenter une contestation contre la Corée à l'OMC, les fonctionnaires fédéraux savent depuis un certain temps que ce différend existe, et ils suivent la question de près. Plus particulièrement, l'Union européenne prétend que la Corée a versé des subventions à plusieurs chantiers maritimes coréens, contrairement aux règles de l'OMC, qui ont entraîné des conséquences néfastes sur l'industrie de la construction navale de l'Union européenne dans deux segments de marché, notamment les cargos porte-conteneurs ainsi que les navires transporteurs de produits et de produits chimiques. Les représentants du gouvernement canadien sont prêts à rencontrer les représentants de l'industrie de la construction navale canadienne afin de discuter du différend qui existe entre la Corée et l'Union européenne s'il est porté devant l'OMC. Quant aux faits nouveaux, mentionnons qu'il a été annoncé que la Corée et l'Union européenne ont accepté qu'un organisme de consultation règle leur différend à propos de la construction navale, mesure qui peut entraîner des retombées avantageuses pour l'industrie de la construction navale de façon générale.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

LA LOI DE 1987 SUR LES TRANSPORTS ROUTIERS

PROJET DE LOI MODIFICATIF—MESSAGE DES COMMUNES

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi de 1987 sur les transports routiers et d'autres lois en conséquence, accompagné d'un message où elles disent avoir adopté le projet de loi sans amendement.

LA LOI CANADIENNE SUR LES SOCIÉTÉS PAR ACTIONS
LA LOI CANADIENNE SUR LES COOPÉRATIVES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—ADOPTION DE LA MOTION APPROUVANT LES AMENDEMENTS DE LA CHAMBRE DES COMMUNES

Le Sénat passe à l'étude des amendements apportés par la Chambre des communes au projet de loi S-11, Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives ainsi que d'autres lois:

1. Titre: remplacer le titre intégral par ce qui suit:

«Loi modifiant la Loi canadienne sur les sociétés par actions et la Loi canadienne sur les coopératives ainsi que d'autres lois en conséquence».

2. Page 136: L'article 235 est supprimé.

3. Page 136: L'article 236 est supprimé.

4. Page 137: L'article 237 est supprimé.

5. Page 137: L'article 238 est supprimé.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose:

Que le Sénat agrée les amendements apportés par la Chambre des communes au projet de loi, sans amendement;

Et qu'un message soit transmis à la Chambre des communes pour l'en informer.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Expliquez-nous.

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, nous avons proposé au projet de loi un amendement que la Chambre a rejeté, et maintenant le projet de loi nous est renvoyé sans cet amendement. Habituellement, c'est l'inverse qui se produit. La Chambre a toutefois rejeté notre amendement. Est-ce exact?

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, puis-je demander au sénateur Carstairs, l'auteur de la motion, de donner des explications?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je parlerai de cette motion très brièvement, puis le sénateur Kirby, qui a proposé l'amendement, l'expliquera en termes très simples.

Ce projet de loi a vu le jour au Sénat, et c'est pour cette raison qu'il est précédé de la lettre «S». Pendant le processus, nous avons apporté certains amendements au projet de loi. L'autre endroit a accepté la plupart des amendements que nous avons apportés. En fait, il en a rejeté un. Le projet de loi nous est maintenant renvoyé, et l'on nous demande, par le biais de cette motion, d'approuver le projet de loi tel que la Chambre l'a adopté, sans l'amendement en question. Le sénateur Kirby expliquera l'amendement aux honorables sénateurs.

Le sénateur Prud'homme: Maintenant, c'est clair.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Le sénateur Kinsella: Nous demandons une explication.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Kirby a-t-il une explication à donner?

L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs, le sénateur Kinsella et moi tentions d'éviter la tenue d'un vote avant que nous n'ayons la possibilité de faire quelques observations sur la question dont nous sommes saisis.

Pour pouvoir donner une réponse plus détaillée au sujet de l'amendement qui a été rejeté à l'autre endroit, je vais commencer par esquisser le contexte.

Pendant une période de deux à trois ans, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a réalisé, à la demande du gouvernement, une vaste étude des changements qu'il faudrait apporter à la Loi canadienne sur les sociétés par actions en ce qui concerne la régie des entreprises. Le comité a présenté toutes ces modifications en 1998 ou 1999, et elles ont été reprises dans le projet de loi.

De plus, le Comité des banques s'est intéressé à un certain nombre d'autres questions. L'une d'elles est la mise au point d'un régime maintenant appelé «responsabilité proportionnelle modifiée». C'est une première non seulement au Canada, mais aussi dans le monde entier. Ces recommandations se trouvent également dans le projet de loi S-3.

Le projet de loi a été présenté d'abord au Sénat non seulement à cause de contraintes de temps, mais aussi parce que c'est au Comité des banques que se trouvent les compétences pour étudier ce projet de loi. Au cours de l'étude au comité, un certain nombre d'amendements de forme ont été apportés au projet de loi, dont j'étais le parrain. J'ai alors proposé mon propre amendement, qui ne venait pas du gouvernement. C'est celui que les Communes ont rejeté.

Avec la permission des honorables sénateurs, je vais expliquer pourquoi j'ai proposé l'amendement, et pourquoi le gouvernement l'a rejeté. Je suis déçu de ce rejet pour toutes les raisons que j'ai exposées. Il a fallu beaucoup de temps pour modifier ce projet de loi et, étant donné que les Communes ont accepté toutes les autres propositions du Comité des banques, je suis disposé à soutenir la motion et donc à retirer l'amendement.

Honorables sénateurs, il vaut la peine de dire un mot sur le but de l'amendement et la raison de son rejet. L'amendement visait à traiter les actionnaires minoritaires de sociétés qui étaient auparavant des sociétés d'État, et plus spécialement Air Canada et le Canadien national, de la même façon que la Loi canadienne sur les sociétés par actions, modifiée, traiterait les actionnaires minoritaires. Le Sénat est maintenant saisi de cette version modifiée.

En termes simples, certaines modifications apportées à la Loi canadienne sur les sociétés par actions permettront, quand le projet de loi sera adopté, aux actionnaires minoritaires de communiquer entre eux pour arriver à une convention, à condition qu'ils soient indépendants — qu'ils ne représentent pas la même personne. Deux groupes de 4 p. 100 des actionnaires, aux termes de la loi visée par les modifications, pourront communiquer l'un avec l'autre pour arriver conclure une entente. Historiquement, cela n'était pas permis. Toutes ces modifications concernant les actionnaires minoritaires et les règles sur les prétendues parties associées sont directement issues des travaux du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce et ont bénéficié d'un appui.

Je suis frappé de voir qu'une société qui a d'abord été une société d'État, puis une société privée, soit traitée de la même manière que n'importe quelle société privée assujettie à la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

(1550)

Mon amendement proposait simplement de conférer aux actionnaires minoritaires d'Air Canada et du Canadien National les mêmes pouvoirs d'association dont bénéficie n'importe quelle autre société assujettie à la Loi canadienne sur les sociétés par actions. Si je n'ai pas inclus Petro-Canada ni Nordion dans mes amendements, c'est uniquement parce que le projet de loi C-3, qui nous est renvoyé de l'autre endroit, renferme des dispositions sur le gouvernement d'entreprise concernant ces deux sociétés. J'ai donc limité mes amendements à deux sociétés d'État, soit le Canadien National et Air Canada, puisque nous allons nous pencher sur les autres lorsque le Sénat sera saisi de l'étude du projet de loi C-3.

Les responsables de la politique au ministère de l'Industrie, ministère qui parraine ce projet de loi, ont convenu — et je n'essaie pas d'attribuer des paroles à qui que ce soit — que ma proposition était tout à fait conforme à l'orientation de leur politique. Toutefois, au ministère des Transports, les responsables — que je n'ai pas consultés parce que je croyais comprendre leur point de vue — se sont opposés aux modifications pour deux raisons différentes. Ils se sont opposés au changement concernant le Canadien National notamment parce qu'il ne permettrait pas à, disons, 10 p. 100 des actionnaires étrangers de voter ensemble pour obtenir le genre de conseil d'administration qu'ils souhaitent.

Mon point de vue était très simple. La Loi sur les Chemins de fer nationaux du Canada exige que le siège social soit au Canada. À l'heure actuelle, plus de 70 p. 100 des actions dans le Canadien National sont détenues par des étrangers. Cela m'a frappé que même si un groupe d'actionnaires étrangers réussissait par un moyen ou un autre à contrôler le Canadien National, il leur serait difficile d'arracher les voies et de sortir l'entreprise du pays. Je crois toujours que nous ne devrions pas nous préoccuper de ce problème. Les fonctionnaires du ministère des Transports ne sont pas d'accord avec moi.

En ce qui concerne Air Canada, je vais essayer d'être aussi poli que je le peux en exprimant mon point de vue, étant donné la façon dont Air Canada traite les consommateurs depuis une année et demie et la façon dont elle a traité ses employés en leur annonçant 3 500 licenciements le 22 décembre. J'ai parlé avec beaucoup de premiers dirigeants et de membres du conseil d'administration de nombreuses entreprises depuis que cela s'est produit et je n'ai pu en trouver aucun qui était d'accord pour faire ce type d'annonce un 22 décembre.

Étant donné le manque de délicatesse du conseil d'administration et de la direction d'Air Canada à l'égard des consommateurs et des employés, j'ai jugé que nous devrions faire tout en notre pouvoir pour les empêcher de consolider davantage leur position. Tout pouvoir supplémentaire accordé aux actionnaires minoritaires serait une bonne chose à cet égard, surtout du fait que les pouvoirs proposés sont les mêmes que ceux qu'on retrouve dans toute autre grande entreprise du pays.

Cela dit, les fonctionnaires du ministère des Transports en sont venus à la conclusion que l'amendement va à l'encontre de la règle des 15 p. 100 sur laquelle on s'était entendu à l'époque du projet de loi sur Air Canada, il y a un an et demi.

Je comprends ce point de vue. En fait, je suis disposé à dire que je voulais surtout trouver une façon de contourner cette règle des 15 p. 100. J'ai déclaré publiquement que j'étais contre cette règle au moment de l'étude du projet de loi sur Air Canada. Étant donné son bilan, consolider la position du conseil de gestion actuel m'apparaît n'être ni une bonne politique publique ni une bonne politique commerciale.

Quoi qu'il en soit, les fonctionnaires du ministère des Transports ont décidé que cet amendement violerait l'entente sur la règle des 15 p. 100 qui a été conclue avec l'entreprise et insérée ensuite dans la loi. Ainsi, ils ont insisté pour que l'amendement soit retiré.

Mon point de vue est très simple, honorables sénateurs. Je continue de croire dans les deux cas que c'est la bonne politique publique et la bonne politique commerciale. Je crois également que la Loi canadienne sur les sociétés par actions revient constamment sur le tapis depuis de nombreuses années. Ce serait injuste à l'égard du reste du monde des affaires de ne pas régler cette question maintenant. Le projet de loi renferme un tas d'amendements, qui viennent tous du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Il ne fait aucun doute que les points de vue de notre institution et du Comité des banques du Sénat en particulier sont bien reflétés dans ce projet de loi.

Bien que je sois déçu de la consolidation du pouvoir du conseil d'administration d'Air Canada, je suis quand même prêt à appuyer cette motion parce que, si ce n'était que ça, j'ai au moins fait valoir un point de vue. C'est pour cela que je voulais intervenir aujourd'hui plutôt que de laisser le projet de loi être adopté sans faire d'observation.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, le sénateur Kirby est reconnu pour être un président très compétent, respectueux et habile, disposant de bien plus d'expérience que moi dans ces questions, ayant eu la chance de travailler au Conseil privé. Si le sénateur a ressenti autant le besoin de présenter cet amendement, le temps est peut-être venu de dire à l'autre Chambre — à laquelle j'ai siégé pendant 30 ans — que nous tenons à notre amendement. Nous pourrions lui renvoyer le projet de loi. En dernière analyse, il faudra bien choisir un projet de loi ou un autre.

Après l'excellente explication que nous a fournie le sénateur Kirby, peut-être que certains sénateurs voudraient continuer dans cette veine. C'est une suggestion que je fais; je n'oblige personne. À un moment donné, il faut dire: «Attendez une minute. Cette question a été étudiée de manière approfondie.» J'ignore si la Chambre des communes l'a étudiée. Peut-être que ce projet de loi est le premier que nous devrions renvoyer et que nous devrions imposer notre amendement, compte tenu notamment de l'explication claire et intelligente du sénateur Kirby.

Le sénateur Kirby: Je remercie l'honorable sénateur de ses observations flatteuses. Je suis favorable à l'esprit de sa position. Comme je l'ai déjà dit, toutefois, ce n'est pas la bonne question sur laquelle prendre position, à mon avis. Il importe d'adopter le projet de loi.

Soyons clairs. Il y a un autre projet de loi dont nous serons bientôt saisis sur lequel il conviendrait davantage de prendre ce genre de position.

L'honorable Donald H. Oliver: Ma question s'adresse au sénateur Kirby. Quand il a expliqué pourquoi il a proposé les amendements concernant des sociétés d'État, il a mentionné les quatre suivantes: Nordion, Petro-Canada, le CN et Air Canada. L'un de ses arguments relatifs au CN, c'est que 70 p. 100 des actions appartiennent à des étrangers.

En tenant compte de considérations globales en matière d'orientations publiques, le sénateur Kirby ne connaît-il pas aussi un certain nombre d'autres sociétés d'État au Canada dont les actions soient détenues majoritairement par des étrangers plutôt que par des Canadiens? Les mêmes règles générales en matière d'orientations publiques qu'il préconise devraient-elles s'appliquer à certaines sociétés de services financiers dont les actions sont largement réparties, mais ne jouissent pas des mêmes droits et avantages, comme les compagnies d'assurance-vie et les banques?

Le sénateur Kirby: Nous versons peut-être dans le domaine de la loi concernant les services financiers, que nous allons bientôt examiner, je crois. Le point soulevé par le sénateur Oliver se trouve dans le projet de loi. Je ne suis pas sûr que la question se rapporte directement au projet de loi.

Comme le sait sans doute le sénateur Oliver, le Comité sénatorial des banques et du commerce a fini par recommander de porter de 10 p. 100 à 20 p. 100, voire même à 30 p. 100, la proportion maximale d'actions susceptibles d'être détenues par un non-résident, si on tient compte des actions sans droit de vote et de la propriété des grandes banques à charte. Ces propositions sont contenues dans le projet de loi que vient d'étudier le Comité sénatorial des banques et du commerce.

La différence est que les institutions financières, en raison de leur impact économique au pays, se trouvent dans une catégorie à part. C'est mon avis personnel, mais il a aussi été exprimé dans des témoignages devant le comité, non pas par l'actuel gouverneur de la Banque du Canada, car la question ne lui a pas été soumise, mais par ses deux prédécesseurs, MM. Crowe et Thiessen. Ces derniers ont indiqué que, dans une perspective de gestion macroéconomique, ce serait une erreur de laisser les principales institutions financières canadiennes être contrôlées par des intérêts étrangers.

Je ne crois pas que les grandes institutions financières sont des entreprises différentes des compagnies aériennes ou des sociétés ferroviaires, par exemple, ou encore des sociétés pétrolières.

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorable sénateur, j'ai beaucoup de respect pour le sénateur. Il s'agit peut-être de ses amendements, mais lorsque le projet de loi a quitté le Sénat, c'était notre projet de loi. Le sénateur doit maintenant nous convaincre de changer d'avis. Plus je l'écoute parler et plus je suis convaincu que nous eu raison d'agir comme nous l'avons fait.

Le sénateur croit-il que l'examen qui a été fait à l'autre endroit, et ailleurs, et qui a mené au rejet ou à la suppression de ce que nous appelons ses amendements, était convenable et, le cas échéant, pourquoi? Je ne suis pas certain que nous devrions faire ce qu'il propose.

Le sénateur Kirby: Il m'est difficile de me prononcer sur l'examen fait en comité. Je vais cependant exposer au sénateur le point de vue des fonctionnaires.

Dans le dossier d'Air Canada, qui est à l'origine de mes inititiatives, je reconnais que mes amendements pourraient compromettre la règle des 15 p. 100. Un groupe d'actionnaires importants suffisamment créatif pourrait mettre en danger cette règle. Suivant celle-ci, personne ne peut posséder plus de 15 p. 100 des actions ordinaires d'une société ou des voix exprimées aux assemblées de cette société.

Cette règle des 15 p. 100 a été adoptée en décembre 1999. À ce moment-là, il y avait eu des discussions à savoir si le pourcentage, qui était de 10 p. 100, devrait être porté à 15, 20 ou 25 p. 100. Il est vrai aussi que la règle des 15 p. 100 était également incluse dans l'entente que le gouvernement a conclue avec Air Canada au moment où Air Canada a fait l'acquisition des Lignes aériennes Canadien International, empêchant cette dernière société de faire faillite. On pourrait dire que ce que j'ai essayé de faire — et c'est pourquoi c'était mon propre amendement et non un amendement du gouvernement — est clairement une violation de l'entente, ou pourrait l'être entre les mains de gens créatifs. Il se trouve que je n'aimais pas l'entente dès le départ, et c'est pourquoi j'ai fait cela. Je suis maintenant prêt à céder sur ce point.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, si j'ai bien suivi le débat, il me semble que le sénateur maintient le principe qu'il a défendu et qui a été appuyé par le Sénat. Ai-je bien compris?

Le sénateur Kirby: Je ne renonce absolument pas au principe. J'explique simplement, comme je viens de l'expliquer au sénateur Nolin, pourquoi je suis prêt à ne pas insister. Je comprends qu'on craint que, entre les mains d'un groupe d'actionnaires créatifs, cela pourrait violer la règle des 15 p. 100 incluse à l'origine dans l'entente avec Air Canada. Je comprends cela.

En passant, c'était là ma motivation. Ne vous méprenez pas. J'étais contre la règle des 15 p. 100 dès le départ. Je comprends que c'est difficile pour une personne de présenter ce qu'on pourrait appeler un amendement d'initiative parlementaire à un projet de loi d'initiative ministérielle visant à contourner une décision antérieure du gouvernement, mais c'est exactement ce que j'essayais de faire.

Son Honneur le Président: Je dois signaler au Sénat que la période de 15 minutes dont disposait le sénateur Kirby est écoulée.

Le sénateur demande-t-il la permission de continuer?

Le sénateur Kirby: Oui.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, si un examen approfondi permettait de déterminer que les préoccupations exprimées par les fonctionnaires du ministère des Transports n'auraient aucun impact négatif sur l'application du projet de loi, le sénateur ne croit-il pas qu'il pourrait maintenir son principe?

Le sénateur Kirby: L'examen attentif ne révèlera pas cela. Je vais être très clair. Je n'aimais pas la règle des 15 p. 100. Je n'ai jamais aimé ces règles de la minorité, car elles lient la direction au conseil d'administration. Je suis depuis longtemps contre ce genre de règles. La position que j'ai adoptée n'a rien à voir avec Air Canada. Je suis particulièrement offusqué par le cas d'Air Canada en raison du rendement de l'entreprise et de la façon dont elle a congédié des employés, et parce que le conseil d'administration, une semaine après avoir signé un accord, craignait tellement de perdre sa position qu'il a mis en place une pilule empoisonnée et toute une série d'autres mesures. Je n'approuve pas la gestion d'Air Canada. Pour être on ne peut plus précis, j'ai trouvé que mon initiative était une façon ingénieuse de chercher à contourner le problème.

Il ne fait aucun doute que les dirigeants ont tout à fait raison de dire que, si l'amendement est jugé recevable et reçoit l'appui du gouvernement, il contreviendra à une entente que ce dernier a signée avec Air Canada en décembre 1999. C'est précisément ainsi que je l'ai voulu. En toute honnêteté, je pensais que mon amendement passerait inaperçu. Il faisait partie d'un gros projet de loi compliqué, et je pensais qu'il ne serait peut-être pas remarqué. Mon principe, c'est que je n'aime pas la règle des 15 p. 100. Je suis intervenu contre la règle des 15 p. 100 au moment où nous nous sommes penchés sur le projet de loi concernant Air Canada. J'essayais d'obtenir par une voie ce que je n'avais été en mesure d'obtenir par l'autre. Je reconnais cela. Par conséquent, il me semble que ce n'est pas la bonne question sur laquelle il faut insister, bien que je n'aime toujours pas la politique.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, puis-je poser une question? Il y a une autre sujet dont l'honorable sénateur n'a pas parlé. Le titre a été modifié de nouveau pour y intégrer l'expression «en conséquence»?

Le sénateur Kirby: Je n'ai pas vu cela. Si c'est le cas, c'est strictement d'ordre juridique. Je n'en connais pas la raison.

Le sénateur Tkachuk: Cela s'est produit en comité. Le sénateur Kirby a indiqué que les fonctionnaires du ministère de la Justice avaient téléphoné plus tôt et dit que l'expression «en conséquence» devait être éliminée, et nous avons changé le titre. J'ai demandé pourquoi et le sénateur Kirby a dit: «Je n'en n'ai pas la moindre idée.» S'il n'en a toujours pas la moindre idée, pourquoi veulent-ils que nous réintroduisions cette expression? Je ne comprends pas pourquoi ils veulent la ravoir.

Le sénateur Kirby: Soucieux de veiller à ce que mes amendements soient exacts sur le plan technique, je les ai faits vérifier par le ministère de la Justice. Celui-ci m'a alors communiqué un ou deux changements d'ordre technique, et je les ai apportés. Ils m'ont aussi dit à ce moment-là: «Vous devez modifier le titre de la loi.» Je ne me suis pas préoccupé de leur demander pourquoi je devais changer le titre de la loi, car je n'y avais prêté aucune attention. Je n'avais pas regardé les amendements auparavant. Le sénateur veut-il rétablir maintenant le titre original?

Le sénateur Tkachuk: Oui.

(1610)

Le sénateur Kirby: Je ne sais vraiment pas pourquoi il fallait modifier le projet de loi à cause des amendements que j'avais présentés. Je suppose que c'est parce que le titre devait être différent selon que ces amendements étaient là ou non.

Le sénateur Sharon Carstairs: Étant donné que le sénateur Kirby supprimait des lois qui ont maintenant été incluses, n'était-il pas nécessaire d'ajouter les mots «en conséquence» dans le titre?

Le sénateur Kirby: Voilà le genre de question juridique que je me jure de ne jamais essayer de comprendre. Je ne le sais pas. Quoi qu'il en soit, l'ordre des choses est bien clair. Il y avait un titre. Lorsque j'ai présenté mes amendements, qui proposaient notamment de modifier la Loi sur Air Canada et la Loi sur le CN, le ministère de la Justice a décrété que le titre devait être changé. Une fois ces amendements supprimés, le ministère de la Justice a dit que nous devions retourner au titre original. Lorsqu'on a dit que le titre original était le bon, cela m'a semblé logique.

Son Honneur le Président: Pour que le débat se déroule dans l'ordre, je précise, sénateur Tkachuk, qu'un autre sénateur fera un commentaire ou posera une question avant que je vous donne la parole pour votre présentation principale. Toutefois, vous voudrez aussi accepter les questions et les observations. Lorsque vous aurez terminé, je donnerai la parole au sénateur Gauthier, puis à vous de nouveau pour votre discours.

L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, je trouve cette discussion intéressante, voire stimulante. Si je me souviens bien, nous avons adopté le projet de loi avec les amendements du sénateur Kirby. Nous l'avons transmis à la Chambre des communes. Celle-ci a étudié le projet de loi, supprimé un amendement et modifié le texte, puis elle nous a renvoyé le projet de loi. À mon avis, nous avons un problème; la situation constitue un précédent et je veux que Son Honneur tranche: Pouvons-nous, oui ou non, maintenant adopter la proposition du sénateur de retirer son amendement qui faisait partie de notre projet de loi à l'origine? Je crois qu'il est trop tard.

Le sénateur Kirby: La motion dont nous sommes saisis porte que nous acceptions le projet de loi tel que modifié par la Chambre des communes, ce qui supprimerait l'amendement que j'avais ajouté. On peut certainement le faire. Nous l'avons fait souvent. Voilà la question posée au Sénat et, selon moi, rien dans la procédure ne nous empêche de ne pas accepter la motion du leader du gouvernement.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Je veux poser une question au sénateur Kirby. Je déduis de la discussion que nous sommes d'accord avec l'amendement et que nous n'acceptons pas que la Chambre nous dise qu'il faudrait l'abandonner. Nous avions proposé cet amendement. Si nous sommes encore en faveur de celui-ci, nous pouvons retourner le projet de loi à la Chambre des communes en disant qu'on n'est pas d'accord et qu'on veut maintenir l'amendement. C'est aussi simple que cela.

Son Honneur le Président: Le sénateur Gauthier a posé une question à laquelle je tenterai de répondre, puisqu'elle porte sur la procédure au Sénat.

Si je comprends bien, la motion du sénateur Carstairs vise à faire adopter le projet de loi tel qu'il a été amendé par la Chambre et qui nous a été renvoyé, ce qui est tout à fait conforme à notre Règlement. En bout de ligne, il suffira d'une majorité des voix au Sénat pour déterminer si la motion du sénateur Carstairs est adoptée ou rejetée.

Le sénateur Kinsella: Ma question s'adresse au sénateur Kirby. Puisque le sénateur maintient ses principes, ne serait-il pas préférable, du moins sur le plan tactique, que le Sénat insiste pour que soient maintenues les modifications qu'il a adoptées? Puisque le gouvernement exerce des pressions, car il veut faire adopter le projet de loi avant la pause estivale, nous pourrions le renvoyer à la Chambre des communes en insistant pour que nos modifications soient maintenues. Il nous est possible de négocier, puisque le gouvernement veut faire adopter le projet de loi avant de quitter. Par conséquent, il adoptera notre motion.

Le sénateur Kirby: Je comprends la logique de la solution proposée par le sénateur. Si je ne la propose pas moi-même, c'est qu'il s'agit d'un projet de loi majeur qui est important pour un grand nombre de sociétés canadiennes. Je ne veux pas prendre le risque de retarder son adoption. Nous l'étudions depuis déjà assez longtemps.

Je me dois de faire une distinction entre une modification que j'aurais moi-même proposée et une modification que le comité a examinée au cours de ses séances et dont il a déterminé par lui-même le bien-fondé. Je ne pense pas que nous devrions insister.

Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, si nous respections le souhait que le sénateur a exprimé avec tant de gentillesse — et je connais l'importance de ce projet de loi — il faudrait quand même communiquer notre mécontentement à l'autre endroit. Le leader du gouvernement pourrait au moins faire savoir à la Chambre que c'est à contrecoeur que nous acceptons d'adopter le projet de loi, pour de nombreuses raisons, la plus importante étant celle qui vient d'être énoncée. Étant donné l'importance que revêt ce projet de loi, nous n'insisterons pas. Je le répète, le sénateur a fait un choix intelligent, car il est vrai que le temps est peut-être mal choisi de manifester notre mécontentement simplement en renvoyant le projet de loi. Je dois dire que cet argument m'a convaincu.

Deuxièmement, et je ne veux pas exercer la patience de mes collègues, mais il faudrait que le député qui parraine le projet de loi à la Chambre des communes sache que c'est avec regret que nous acceptons de faire ce compromis, puisque la modification que nous proposions nous semblait assez importante pour que nous en saisissions la Chambre.

Le sénateur Nolin: Vous pouvez présenter votre propre projet de loi.

Son Honneur le Président: Sénateur Kirby, désirez-vous répondre à ces observations?

Le sénateur Kirby: Je vais certes le leur préciser, mais cela ne change rien à ma position.

Le sénateur Nolin: Présentez un projet de loi d'initiative parlementaire!

Le sénateur Tkachuk: Juste pour que vous compreniez, honorables sénateurs, je vous dirai qu'il y a eu un certain nombre d'amendements. Il y a eu ceux que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a proposés par suite des témoignages qu'il avait entendus. C'est là un groupe d'amendements.

Puis, il y a les amendements de forme dont le ministre a fait part par écrit au sénateur Kolber — et dont nous avons tous eu copie, même si la lettre étaient classée très secret — en demandant au président et aux membres de notre comité de les examiner. Cela remonte au 29 mars 2001.

Le 4 avril, nous avons examiné ces amendements, dont un du sénateur Kirby, et tous les amendements de forme que le gouvernement souhaitait voir apporter. Le sénateur Meighen a fait remarquer que nous allions peut-être trop vite, mais le gouvernement nous a assurés à nouveau qu'il s'agissait d'amendements de pure forme. Nous avons alors su que nous ne devrions pas aller aussi vite. Lorsqu'il a soulevé la question au comité, le sénateur a dit ceci au sujet du nouvel article 160.1 que voulait le sénateur Tobin:

Le sénateur Meighen: Je n'ai pas d'objection en particulier. Je prends pour acquis qu'il s'agit de modifications de forme. Cependant, une brève explication vous a été donnée dans l'annexe de la lettre qui vous a été adressée, monsieur le président. Est-ce que cela peut être versé au dossier?

Le président: Certainement.

Le sénateur Meighen: Ainsi le document que j'ai en main intitulé: «Secret» sera versé à notre dossier.

Le président: Certainement.

Le document en question est une lettre dans laquelle on nous demande de proposer les amendements de forme. Au nombre de ces amendements de forme figure l'amendement du sénateur Kirby, qui n'est pas un amendement ministériel. Cependant, j'aime bien son amendement.

(1620)

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable David Tkachuk: Par conséquent, honorables sénateurs, je propose: Que la question soit renvoyée devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Son Honneur le Président: Y a-t-il d'autres honorables sénateurs qui désirent prendre la parole? Le sénateur Tkachuk a présenté une motion.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la façon dont le processus a évolué cet après-midi est très intéressante. Soyons clairs. Nous amendons beaucoup de projets de loi de la Chambre des communes. En l'occurrence, donc, il n'est pas déplacé de la part de la Chambre des communes d'amender un projet de loi qui a d'abord été présenté ici après l'avoir sérieusement examiné. Je crois que cela doit être dit.

Par ailleurs, et je crois que c'est très important, le sénateur Kirby a lui-même admis avoir été un peu malicieux, parce qu'il a tenté de se servir du projet de loi pour défaire un article de la loi sur Air Canada, appelé la règle des 15 p. 100.

Le sénateur Nolin: Nous avons appuyé cette règle.

Le sénateur Carstairs: Nous avons effectivement appuyé la règle des 15 p. 100. Par conséquent, il nous faut nous demander pourquoi nous disons maintenant, dans ce projet de loi, que nous n'appuyons pas vraiment cette règle, puisque cet après-midi c'est en fait ce que nous dit le sénateur Kirby, à savoir qu'il n'approuvait pas cette règle dans la première loi, aussi a-t-il décidé d'être malicieux et de tenter de défaire cette règle en se servant du projet de loi à l'étude.

Honorables sénateurs, c'est une mesure législative très importante; c'est une mesure législative de fond; elle s'est fait longtemps attendre et j'espère que nous allons pouvoir l'adopter rapidement.

Un principe fondamental est en jeu ici. Les sociétés exemptées par le sénateur Kirby dans cet amendement, Air Canada et le CN, sont, je le maintiens, malgré certains problèmes qu'il dénonce chez Air Canada concernant la prestation du service, des entreprises très spéciales. Je n'invente rien en disant que ce ne sont pas des entreprises ordinaires. Bien que je pense que les droits des actionnaires devraient être les mêmes quelle que soit la société fédérale dans laquelle ils investissent, je suis sûre que nous nous entendrons pour dire que toutes les sociétés ne sont pas crées égales et que des circonstances spéciales nécessitent des considérations spéciales. Je suis fermement convaincue qu'Air Canada et le CN sont des sociétés spéciales. Elles unifient ce pays d'une manière concrète et relient ses habitants d'une façon à la fois unique et historique. Il est certainement de bonne politique que les actions dans ces sociétés soient largement réparties de manière à ce qu'aucun petit groupe d'actionnaires ne puisse prendre le contrôle de ces services essentiels. C'est à ça que sert la règle des 15 p. 100. C'est une règle que nous devrions maintenir et c'est pourquoi, franchement, nous devrions accepter le geste élégant du sénateur Kirby qui a dit cet après-midi qu'il n'insisterait pas pour que ces amendements soient adoptés, qu'il n'insisterait pas pour poursuivre ses activités malicieuses.

L'honorable Roch Bolduc: Dois-je comprendre que, en termes diplomatiques et détournés, madame le leader en train de dire que son collègue est intellectuellement malhonnête?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je ne dirai jamais une telle chose d'un membre de cette assemblée, pas plus de mon collègue que de n'importe quel autre de mes collègues des deux côtés du Sénat, et certainement pas d'un collègue avec qui je suis allée à l'université. Mais, ayant été à l'université avec lui, je comprends très bien son côté malicieux.

L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs, plutôt que de poser une question à mon leader, je ferai remarquer que, étant depuis longtemps un adepte de la comédie musicale, et ayant particulièrement aimé la comédie musicale Oliver, j'ai toujours pensé qu'au lieu d'être traité de malicieux, je préférerais qu'on me trouve aussi malicieux que le personnage d'Artful Dodger.

Le sénateur Carstairs: Je serais très heureuse à l'avenir de désigner mon collègue sous ce nom.

L'honorable Marcel Prud'homme: Si je puis dire, je ne regrette pas d'avoir amorcé ce débat.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous sommes saisis d'une motion d'amendement visant à renvoyer le projet de loi S-11 au comité. Je vous donne lecture de la motion d'amendement.

Il est proposé par le sénateur Tkachuk, appuyé par le sénateur Nolin, que les amendements que la Chambre des communes propose d'apporter au projet de loi S-11 ne soient pas approuvés maintenant, mais qu'ils soient renvoyés au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: Non.

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion d'amendement veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les non l'emportent.

(La motion est rejetée à la majorité.)

Nous passons maintenant à la motion principale. Si aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole, le sénateur Carstairs propose que le Sénat approuve les amendements proposés par la Chambre des communes.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le sénateur Prud'homme: Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence.)

[Français]

PROJET DE LOI CRÉANT LA FONDATION DU CANADA POUR L'APPUI TECHNOLOGIQUE AU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT—RECOURS AU RÈGLEMENT—DÉCISION DU PRÉSIDENT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Sibbeston, appuyée par l'honorable sénateur Milne, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-4, Loi créant une fondation chargée de pourvoir au financement de l'appui technologique au développement durable.—(Décision du Président).

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, hier, au moment où le débat devait reprendre à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-4, Loi créant une fondation chargée de pourvoir au financement de l'appui technologique au développement durable, le sénateur Lynch-Staunton a invoqué le Règlement pour s'opposer aux délibérations.

Dans son exposé, le chef de l'opposition a abordé deux aspects. Le premier tient au fait que le gouvernement a déjà affecté les sommes prévues pour appuyer le travail de la fondation au moyen du Budget des dépenses. Le second argument se fonde sur la règle interdisant d'anticiper.

[Traduction]

Le sénateur maintient que, conformément au témoignage du ministre des Ressources naturelles devant le Comité permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, les fonds réservés pour la Fondation dans le projet de loi C-46, prédécesseur du C-4 à la dernière législature, ont été prévus dans le budget de 2000-2001. Lorsque le C-46 est mort au Feuilleton l'an dernier, le gouvernement a établi une société à but non lucratif pour conserver ces fonds ou une partie de ces fonds, de façon à éviter la péremption à la fin de l'exercice. Ces sommes seront transférées à la fondation dès la promulgation du projet de loi C-4.

À son avis, le geste du gouvernement est irrégulier, voire peut-être illégal. Pour étayer son argument, le sénateur cite des observations formulées par la vérificatrice générale intérimaire lorsqu'elle s'est présentée devant le comité. Si le projet de loi C-4 devait être adopté dans de telles circonstances, le Sénat se trouverait à sanctionner, d'après le sénateur, un acte du gouvernement qui va complètement à l'encontre de la démocratie parlementaire moderne. Notamment, argumente-t-il, parce qu'il court-circuite la Chambre des communes et l'exercice de sa compétence sur les subsides. Comme preuve, le sénateur a fait référence à plusieurs autorités parlementaires dont Erskine May, Beauchesne, Bourinot et Marleau-Montpetit.

[Français]

(1630)

Pour ce qui est du second aspect, la règle interdisant d'anticiper, le sénateur Lynch-Staunton fait valoir que l'établissement d'une société sans but lucratif a présumé de l'adoption du projet de loi C-4 et a ainsi clairement violé l'interdiction d'anticiper. Une telle approche législative pourrait, selon le sénateur, créer de graves problèmes et des irrégularités comptables, si jamais le projet de loi C-4 n'était pas adopté.

[Traduction]

Le sénateur a tenu à souligner qu'il ne me demandait pas de me prononcer, en tant que Président, sur les décisions administratives du gouvernement. Selon lui, le Sénat du Canada n'a d'autre choix que: «de renvoyer ce projet de loi à son parrain, de manière à ce que le gouvernement prévoie une dotation adéquate par le truchement de procédures budgétaires adéquates.»

Après que le sénateur Lynch-Staunton eut présenté ses arguments, plusieurs autres sénateurs sont intervenus. Le sénateur Robichaud a contesté le recours au Règlement puisque ce dernier n'avait pas été demandé à la première occasion. Le leader adjoint du gouvernement a souligné en outre que les fonds en question ont été approuvés dans le cadre du Budget des dépenses adopté par les deux Chambres. Voici ce qu'il a dit:

Le gouvernement a déterminé que la meilleure façon de faire avancer les objectifs pour lesquels le Parlement...

avait...

... voté des fonds serait de transférer les fonds à une société sans but lucratif établie en vertu de la partie II de la Loi de 1970 sur les corporations canadiennes.

Le sénateur Kinsella a pour sa part rejeté toute notion voulant qu'il soit trop tard pour invoquer le Règlement, et le sénateur Lynch-Staunton a abondé dans le même sens. Selon le sénateur Kinsella, le Sénat a le droit de recevoir un recours au Règlement s'il constate une entorse à la procédure dans un projet de loi avant son adoption finale. En l'occurrence, le problème de procédure concerne la surveillance par le Parlement des crédits du gouvernement, particulièrement si le projet de loi C-4 n'est pas adopté.

Madame le sénateur Carstairs, leader du gouvernement, a déclaré qu'il n'y avait pas lieu d'invoquer le Règlement puisque rien dans le projet de loi ne contrevient au Règlement du Sénat. Elle estime en fait que:

Les règles ont été respectées. Elles l'ont été au Sénat comme au comité. Elles sont toujours suivies maintenant, à la troisième lecture. Le gouvernement a obtenu l'approbation pour ces crédits [...]

Selon le sénateur Carstairs, s'il y a des divergences de vue concernant certains processus suivis par le gouvernement à propos du projet de loi C-4, il reste indéniable que le comité a fait rapport du projet de loi au Sénat, sans amendement.

En dernier lieu, le sénateur Taylor a rappelé certains éléments d'information sur des questions soulevées lors d'échanges antérieurs, particulièrement en ce qui concerne les témoignages que le comité permanent a entendus.

Je tiens à remercier tous les honorables sénateurs pour leur participation au débat sur ce rappel au Règlement. J'ai examiné de près les arguments relatifs à mon rôle éventuel dans l'appréciation de ce rappel et à la façon dont le Sénat pourrait traiter l'affaire.

Le sénateur Lynch-Staunton a bien indiqué qu'il ne me demande pas de statuer sur les décisions administratives du gouvernement. C'est très bien ainsi, parce qu'en tant que Président je ne suis pas autorisé à me prononcer là-dessus. Je n'ai pas l'autorité non plus de décider que le Sénat retourne le projet de loi C-4 à l'autre endroit afin que le soi-disant processus budgétaire régulier puisse être suivi quant au financement de la Fondation du Canada pour l'appui au développement durable créée par le projet de loi. Seul le Sénat lui-même peut prendre une telle décision. En tant que Président, je ne peux me prononcer sur ce qui s'est passé ou ne s'est pas passé à l'autre endroit. Je ne peux que me prononcer sur ce qui s'est passé ici, au Sénat.

À cet égard, la position du leader du gouvernement me paraît tout à fait fondée. Dans les arguments présentés hier, rien n'indique qu'il a été porté atteinte à une procédure ou à des usages particuliers du Sénat. De sorte qu'il n'y a pas lieu de prendre une décision qui motiverait un rappel au Règlement.

En ce qui concerne la règle interdisant d'anticiper qu'a soulevée le chef de l'opposition, je ferai remarquer que ses observations portent sur le financement de la Fondation et sur la présomption du gouvernement que le projet de loi C-4 sera adopté au Sénat et à l'autre endroit sans être considérablement modifié.

Quoi qu'on puisse dire ou penser d'une telle présomption, elle ne fait pas intervenir la règle interdisant d'anticiper. Cette règle porte en fait sur un conflit qui risque de survenir lorsque le Sénat prend des mesures décisives sur un ou plusieurs articles inscrits au Feuilleton qui traitent sensiblement de la même question de la même manière. De tout temps, le Sénat, à l'instar d'autres institutions parlementaires, s'impose une restriction afin de ne pas trancher la même question plus d'une fois au cours d'une même session. La règle interdisant d'anticiper suppose que le Sénat accordera la priorité à l'article qui est considéré plus efficace sur le plan de la procédure. C'est ainsi que je comprends cette règle, et elle ne s'applique pas au cas présent.

Pour ces raisons, j'estime qu'il ne s'agit pas ici d'un rappel au Règlement.

Il demeure une question sur laquelle j'estime devoir faire une observation. Il s'agit de la question de la première occasion, en ce qui concerne un rappel au Règlement. Dans le cas d'un projet de loi dont le Sénat est toujours saisi, on peut faire un rappel au Règlement à n'importe quel moment, lorsque le projet de loi est débattu à la suite de sa première lecture. La notion de première occasion ne s'applique pas vraiment aux rappels au Règlement; il s'agit plutôt d'une réserve qui concerne les questions de privilège et les procédures rapides énoncées dans l'article 43 du Règlement. Ainsi, le rappel au Règlement qu'a soulevé le chef de l'opposition était tout à fait recevable, peu importe la décision rendue.

Le débat sur la motion portant troisième lecture du projet de loi C-4 peut maintenant continuer.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je prends la parole pour apporter ma contribution à la discussion qui a eu lieu le 7 juin 2001, à la suite des observations que le sénateur Sibbeston a faites à la troisième lecture, et dont je le remercie.

Je crois me faire la porte-parole de tous les sénateurs lorsque je dis qu'il conviendrait de féliciter le gouvernement de l'objectif qu'il vise en présentant le projet de loi C-4. Pendant de nombreuses années, le gouvernement a intégré la notion de développement durable dans tous les aspects de sa planification, de ses politiques et de ses programmes. La définition de Brundtland énonce cette notion de façon claire et simple lorsqu'elle parle d'un «développement qui permet de répondre aux besoins du présent sans compromettre la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs».

Pour incorporer le développement durable dans notre manière de fonctionner, il faut de nouvelles idées, de nouvelles connaissances et de nouvelles technologies. Notre capacité d'innover est la solution. Elle est indispensable à notre future réussite.

Le projet de loi C-4 créerait la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable. Cette fondation aurait pour principal objectif de favoriser le développement et de mettre à l'épreuve des techniques pour purifier l'air et trouver une solution aux changements climatiques, qui sont deux problèmes environnementaux qu'il nous faut absolument régler en ce début du XXIe siècle. Après avoir envisagé plusieurs possibilités pour gérer l'affectation de 100 millions de dollars prévue dans le budget 2000, le gouvernement a décidé de soumettre un projet de loi au Parlement aux fins d'approbation, de manière à engager le Parlement plus activement à créer une organisation indépendante.

Maintenant que j'ai situé un peu le contexte, honorables sénateurs, je vais expliquer exactement ce que propose le projet de loi C-4. Une fois adopté par le Parlement, il créera une fondation chargée de pourvoir au financement de l'appui technologique au développement durable. Il n'est pas question du financement dans ce projet de loi — c'est une question tout à fait différente. Le projet de loi établira une fondation assujettie à plusieurs dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par actions.

La gestion de la Fondation relèvera d'un conseil d'administration composé de 15 membres et de 15 membres de la Fondation. Le gouverneur en conseil nommera le président, les six administrateurs et sept des membres qui joueront un rôle qui s'apparente à celui des actionnaires d'une société.

Comme les sénateurs le savent, la Fondation poursuivra ses activités sans lien de dépendance avec le gouvernement. Ce sera donc un nouveau véhicule pour engager directement les Canadiens et promouvoir une collaboration durable sous la forme de partenariats. Il est essentiel de collaborer pour s'attaquer au défi que représente le développement durable. La Fondation fonctionnera près du secteur privé et améliorera ses engagements à l'égard des dossiers difficiles des changements climatiques et de la pureté de l'air.

Voilà au fond l'objet du projet de loi C-4. J'insiste pour dire qu'aucune disposition du projet de loi ne traite de l'affectation de 100 millions de dollars que le gouvernement a annoncée dans son budget 2000 pour les technologies de développement durable.

Selon le gouvernement, la société du secteur privé avait des buts parallèles à ceux que visent la fondation prévue dans le projet de loi. Les dispositions de prorogation inscrites dans le projet de loi C-4 veillent à ce que tous les éléments d'actif et de passif de la société du secteur privé soient transférés à la Fondation. En cas d'incompatibilité ou de contradiction entre les règlements administratifs et les modalités prévues dans le projet de loi C-4, les nouvelles dispositions garantiront que les mesures législatives telles qu'approuvées par le Parlement prévaudront.

(1640)

Permettez-moi d'aborder certaines questions délicates qui ont été soulevées au Sénat relativement au projet de loi C-4. Je tiens à clarifier deux observations que le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles a jointes en annexe au rapport sans amendement qu'il a déposé le 6 juin 2001 sur ce projet de loi.

Premièrement, le gouvernement n'a pas «créé» une société privée. Lorsque les élections ont été déclenchées l'automne dernier et que le projet de loi précédent est mort au Feuilleton, la création d'une fondation par le truchement d'une loi au cours de l'exercice 200-2001 est devenue improbable. Le gouvernement a élaboré un plan de circonstance afin de respecter ses engagements budgétaires. Il a conclu une entente contractuelle avec une société sans but lucratif du secteur privé. Cette société et la fondation chargée de pourvoir au financement de l'appui technologique au développement durable qu'on propose de créer ont des buts et une structure de régie qui se ressemblent. Je tiens à fournir cette importante précision aux sénateurs.

Deuxièmement, et cela est plus important encore, le gouvernement n'a en aucun moment pris une décision sans l'approbation préalable du Parlement. Pour réaliser son projet de création d'une fondation chargée de pourvoir au financement de l'appui technologique au développement durable, le gouvernement a conclu une entente avec une société sans but lucratif du secteur privé avant le 31 mars 2001, soit avant la fin de l'exercice.

Cela dit, certains sénateurs ont exprimé des préoccupations relativement à certaines pratiques comptables et administratives utilisées par le gouvernement dans les cas du projet de création de la Fondation du Canada pour le financement de l'appui technologique au développement durable et d'autres organisations indépendantes. Ces préoccupations ont été notées, et j'en ferai part à mes collègues du Cabinet. J'en ai déjà touché un mot au ministre des Ressources naturelles.

Le ministre des Ressources naturelles a comparu deux fois devant le comité sénatorial pour discuter d'autres aspects du projet de loi C-4, entre autres le rôle du vérificateur général du Canada, l'accès à l'information, la responsabilité et la transparence.

La vérificatrice générale du Canada et certains sénateurs se préoccupent du fait que la Fondation n'est pas tenue de rendre des comptes directement à la vérificatrice générale. C'est également le cas de ces organismes indépendants. Toutefois, la mesure législative proposée prévoie que la Fondation fera l'objet d'une vérification par un vérificateur professionnel indépendant et qu'elle fonctionnera selon des principes de comptabilité généralement acceptés. La vérificatrice générale reverra la procédure permettant d'acheminer les fonds par l'intermédiaire d'Environnement Canada et de Ressources naturelles Canada. Elle reverra les conditions régissant l'accord de financement entre le gouvernement et la fondation.

En ce qui a trait à l'évaluation du rendement de la Fondation au chapitre de l'«optimisation des ressources», l'accord de financement permet également au gouvernement de mener des évaluation provisoires et finales distinctes. Il y a peut-être des façons sur lesquelles le gouvernement pourrait se pencher pour donner à la vérificatrice générale un rôle plus actif en ce qui touche les opérations de la fondation.

Dans le cadre de l'étude du projet de loi C-4 par le Parlement, la vérificatrice générale et certains sénateurs ont fait connaître leur avis relativement à l'élargissement du rôle et du mandat due la vérificatrice générale par rapport à la création par le gouvernement de fondations et d'autres organisations qui ne font pas directement l'objet d'un examen de la part du Parlement. La vérificatrice générale et les sénateurs auront la chance de soulever la question lorsque la vérificatrice générale déposera son rapport un peu plus tard cette année. J'approuve cette intervention.

Les dispositions du projet de loi C-4 concernant l'accès à l'information suscitent certaines inquiétudes. Essentiellement, la Fondation sera soustraite à la Loi sur l'accès à l'information que doivent respecter les ministères et organismes du gouvernement fédéral. Ce n'est pas le cas pour toutes les autres fondations. Toutefois, tous les Canadiens pourront assister à l'assemblée annuelle de la fondation ou recevoir un exemplaire de son rapport annuel, qui comprendra la vérification des états financiers effectuée par un cabinet de vérificateurs indépendants. La population aura constamment accès aux documents de la Fondation aux termes des dispositions de la Loi canadienne sur les sociétés par actions qui sont incorporées dans le projet de loi C-4. De plus, des renseignements seront fournis sur l'évaluation des résultats ainsi que les projets financés. Il sera possible de consulter le résumé des projets financés sur le site Web de la Fondation. En tout temps, les comités parlementaires pourront citer les représentants de la Fondation à comparaître.

Naturellement, certains renseignements ne pourront être divulgués à la population afin de respecter le secret commercial, la propriété intellectuelle ou encore la nature indépendante de la fondation. La plupart des publications de la Fondation seront extrêmement techniques, truffés de détails scientifiques sur les technologies de pointe.

Honorables sénateurs, permettez-moi d'aborder maintenant la question de la transparence. Si la Fondation prévue dans ce projet de loi est créée, qu'est-ce qui empêchera les intérêts des sociétés participantes d'écarter l'intérêt public? C'est l'accord de financement entre le gouvernement et la Fondation. Il est fondé sur les critères régissant le genre de projets que la Fondation appuiera.

Ces critères sont les suivants: la contribution aux grands objectifs du Fonds pour l'appui technologique au développement durable, la valeur technologique selon les avis scientifiques et techniques d'un comité d'examen des projets, la possibilité de mettre au point une innovation technologique, le plan de diffusion des résultats, l'effet de levier, les répercussions possibles en matière environnementale, sociale et économique ainsi que les avantages au Canada. Avec l'application de tels critères de financement des projets, les sociétés auront du mal à faire passer leurs intérêts devant l'intérêt public de la fondation.

Les dispositions du projet de loi C-4 prévoyant, en cas de dissolution de la Fondation, la répartition des biens entre les bénéficiaires qui reçoivent une aide financière de la fondation sont conformes aux règles, exigences et procédures du Conseil du Trésor. D'un point de vue légal, si l'argent était remis au Trésor, la Fondation ne pourrait être considérée comme une agence indépendante du gouvernement. Le Parlement et tous les Canadiens sont en droit de s'attendre à ce que des organisations comme la Fondation du Canada pour l'appui technologique au développement durable veillent à la bonne gestion de leurs affaires et obtiennent la confiance du public. Les principales dispositions du projet de loi C-4 garantissent le respect de ces responsabilités fondamentales, puisqu'il y est question d'un objectif clair, de la préparation de rapports, d'évaluations, de dépôt de renseignements et de vérifications.

Le gouvernement est impatient d'entreprendre la tâche extrêmement importante de soutenir les nombreux intervenants créateurs et innovateurs du Canada dans le secteur des technologies de développement durable visant à lutter contre le changement climatique et à assurer la qualité de l'air. Le projet de loi C-4 nous aidera à atteindre cet objectif.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Madame le sénateur a-t-elle bien dit que le gouvernement n'a joué absolument aucun rôle dans la création de l'entreprise sans but lucratif qui dispose de fonds publics à l'heure actuelle?

Le sénateur Carstairs: La société privée a été créée indépendante. Après sa création, le gouvernement lui a accordé une subvention de 100 millions de dollars.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le gouvernement a-t-il participé le moindrement à l'établissement de la société?

Le sénateur Carstairs: Non, je crois savoir que la société a été créée conformément à de saines méthodes corporatives.

Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, j'attire votre attention sur le témoignage que le ministre Goodale a présenté, le 15 mai 2001, devant le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. En réponse à cette même question, il a dit entre autres choses:

Nous avons appliqué une technique qui est tout à fait conforme aux principes juridiques du gouvernement et de la Loi sur les corporations commerciales canadiennes. Il y a des précédents, d'autres fondations qui ont été pris dans ce genre de situation à leurs débuts, alors nous n'avons rien fait de nouveau. Nous avons aussi imposé certaines restrictions à cette «société de portefeuille». Par exemple, elle ne peut examiner et financer des propositions jusqu'à un certain moment, etc. Nous voulions nous assurer qu'elle n'irait pas trop loin en sa capacité de société de portefeuille. Nous avons trié sur le volet des personnes dotées d'une très grande expertise du secteur financier.

Il a ensuite nommé, honorables sénateurs, les quatre personnes qui ont créé cette société et qui en seront les administrateurs. Non seulement le gouvernement était au fait de la création de l'entreprise, mais il y a participé et en a nommé les administrateurs. Si ce n'est pas là une preuve suffisante de l'intervention du gouvernement, j'ajouterai que la plus grande partie du règlement intérieur de l'entreprise reprend mot pour mot le projet de loi C-4. Le nombre des administrateurs, la méthode de nomination du vérificateur et d'autres règles fondamentales de l'entreprise sont tirées du projet de loi.

On a induit madame le ministre en erreur en lui disant que le gouvernement ne s'était pas mêlé de cette affaire. Le gouvernement s'en est mêlé activement, a lancé l'idée, a sollicité les administrateurs, les a incorporés, leur a fourni l'argent en leur recommandant d'en faire un usage prudent et a même rédigé le règlement qui devait s'appliquer à l'entreprise. Si ce n'est pas là un affront au Parlement, je me demande bien ce que c'est.

(1650)

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je veux, moi aussi, poser une question à madame le ministre. Elle a déclaré que la société privée possède 100 millions de dollars; est-ce exact?

Le sénateur Carstairs: C'est ce que j'ai compris.

Le sénateur Kinsella: Cette somme a-t-elle été payée en un seul versement ou en plusieurs? Je pose la question parce que j'avais cru comprendre que la société avait reçu d'abord 50 millions de dollars puis deux versements de 25 millions de dollars chacun. D'autres sénateurs ont peut-être aussi mal saisi combien elle a reçu exactement.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le sénateur pose une question technique; il demande si la somme a été versée sous forme d'un seul chèque ou de plusieurs et quel était le montant des chèques. Je n'ai pas cette information. Cependant, je vais m'informer et communiquer ce renseignement au sénateur dès demain.

Le sénateur Kinsella: Selon le capital versé, soit 50 millions de dollars ou 100 millions de dollars, combien la société privée a-t-elle accumulé d'intérêts sur cette somme?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, cette question est aussi très technique et je n'ai pas la réponse. Si la somme a produit des intérêts, et je sais que c'est le cas, je vais essayer d'obtenir le montant précis pour en faire part au sénateur.

Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, d'après la technique employée, on a retiré des fonds du Trésor pour les remettre à une société privée. Si le but était de créer un capital de 100 millions de dollars pour cette fondation, en retirant des fonds et en les versant à cette fondation comme cela se produit maintenant, la somme va générer des intérêts et le capital de la société privée augmentera sans surveillance de la part du Parlement. Je dois préciser en passant que je ne suis pas du tout opposé à la création de cette fondation.

Le vérificateur général du Canada pourra-t-il vérifier les sommes versées à cette société privée?

Le sénateur Carstairs: Non; le vérificateur général n'a pas le pouvoir de faire la vérification de cette société privée. Les règles régissant les sociétés les obligent à avoir leur propre vérificateur, et c'est ce vérificateur qui assurera la vérification des sommes en question.

Quant à l'affirmation voulant que le gouvernement ne puisse jamais prendre de l'argent dans le Trésor pour le remettre à des entreprises privées ou à des fondations, il est clair que le gouvernement l'a fait à maintes reprises.

L'honorable David Tkachuk: Qui étaient les membres de cette société? Comme il s'agit d'une société sans but lucratif, elle n'a pas d'actionnaires, mais des membres. Qui étaient-ils?

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je l'ignore. Je vais obtenir ces renseignements pour demain.

(Sur la motion du sénateur Cochrane, le débat est ajourné.)

PROJET DE LOI DE 2001 MODIFIANT LES TAXES DE VENTE ET D'ACCISE

TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Rompkey, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Adams, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-13, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, le sénateur Doody a proposé l'ajournement du débat sur le projet de loi. J'ai consulté le sénateur Doody. Il a terminé son étude et n'a rien à ajouter au débat à la troisième lecture. Je transmets cette information aux sénateurs.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

PROJET DE LOI DE 2001 MODIFIANT LA TAXE SUR LE TABAC

TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Adams, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-26, Loi modifiant la Loi sur les douanes, le Tarif des douanes, la Loi sur l'accise, la Loi sur la taxe d'accise et la Loi de l'impôt sur le revenu en ce qui concerne le tabac.

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, j'appuie les principes du projet de loi C-26 dans la mesure où ils mettent à exécution une bonne intention du gouvernement, un engagement à protéger la santé des Canadiens. Comme le sénateur Kenny, je suis un non-fumeur. Cependant, je m'intéresse aussi à l'élaboration de politiques et initiatives gouvernementales saines visant à stimuler le développement des entreprises. Dans cette optique, je tiens à signaler certains oublis importants qui peuvent avoir des répercussions sur l'industrie du commerce hors taxes.

Ce projet de loi impose une taxe de 10 $ par cartouche. C'est une toute nouvelle taxe imposée aux commerces hors taxes. Le gouvernement mine le secteur qu'il a lui même créé et qu'il a commencé à encourager il y a de nombreuses décennies.

Le Canada s'est implanté solidement dans le secteur du commerce hors taxes international, cette industrie étant évaluée à 20 milliards de dollars à l'échelle mondiale et ayant un fort potentiel de croissance continue. Elle rapporte plus de 350 millions de dollars par année en recettes nationales et est devenue un apport positif dans les localités où ses points de vente sont situés, pour le secteur touristique et pour l'économie canadienne en général.

Les points de vente hors taxes emploient directement des milliers de Canadiens. De nombreux autres emplois découlent indirectement des millions de dollars d'achats qui sont faits par cette industrie de biens et services locaux et nationaux. Les fournisseurs canadiens en bénéficient tout particulièrement, car l'aspect clé des achats dans les boutiques hors taxes, c'est la promotion et la disponibilité de produits fabriqués au Canada.

Le gouvernement bénéficie aussi de ces points de vente. Par exemple, les boutiques hors taxes dans les aéroports rapportent plus de 55 millions de dollars par année en frais de location aux administrations aéroportuaires, une partie de ces recettes revenant au gouvernement fédéral et une partie servant à entretenir et à améliorer les installations aéroportuaires.

Un autre exemple à souligner, c'est le fait qu'en 1991, l'industrie du commerce hors taxes a coopéré avec le gouvernement fédéral afin de mettre en oeuvre le Programme de remboursement de la TPS aux visiteurs, programme qui prévoit le remboursement de la TPS aux voyageurs étrangers et qui permet à l'industrie canadienne du commerce hors taxes de rendre les voyages au Canada plus attrayants.

L'industrie du commerce hors taxes existe depuis des siècles. Une partie de ses origines remontent à la deuxième moitié du XIXe siècle. Avant que cette industrie n'existe au Canada, les voyageurs canadiens et américains devaient arrêter aux boutiques hors taxes des États-Unis pour faire les achats dont ils ont besoin. Par conséquent, l'économie canadienne perdait des millions de dollars en recettes potentielles provenant des voyageurs et du tourisme. Aussi, depuis l'instauration de l'industrie du commerce hors taxes, le gouvernement fédéral a fait la promotion de cette industrie comme moyen d'épauler les petites entreprises et la création d'emplois au Canada.

Le premier magasin hors taxes dans un aéroport a été ouvert dans les années 60. Au début des années 80, le premier magasin de point de passage frontalier a été ouvert avec ces objectifs: faire la promotion de la vente de produits canadiens; offrir un service aux voyageurs disposant d'un niveau élevé d'épargnes; créer des emplois directs et indirects; et inciter le secteur privé à exploiter ces magasins, l'accent étant mis sur les petites entreprises.

Le 5 avril 2001, pour la première fois, le Canada a imposé une taxe sur le magasinage hors taxes. Ce ne sont plus à proprement parler des magasins hors taxes. Il y a lieu de s'inquiéter parce que la pratique du magasinage hors taxes ne correspond plus au soutien qu'accorde le gouvernement à l'industrie hors taxes, ce qui a de graves conséquences sur lesquelles ce projet de loi ne se penche pas. Plus particulièrement, avec cette taxe, le gouvernement canadien mine les principes sur lesquels l'industrie hors taxes canadienne a été établie dans les années 60. Cette taxe s'est traduite par le fléchissement de l'achalandage et des ventes de biens et de services dans tous les magasins hors taxes. Elle a eu des effets néfastes sur le tourisme et le rôle important que les magasins hors taxes en sont venus à jouer auprès des voyageurs. Elle menace gravement les investissements financiers à long terme qu'ont fait les propriétaires de magasins hors taxes. Elle a imposé un fardeau supplémentaire qui, tout en ayant un effet négligeable, au mieux, sur la consommation de tabac, a eu des effets néfastes considérables sur les magasins hors taxes aussi bien que sur les fournisseurs, leurs employés et les collectivités.

Le gouvernement a déclaré que les magasins hors taxes sont assujettis à une taxe dans ce projet de loi parce que sa politique en matière de tabac ne peut souffrir d'exceptions. Toutefois, ces magasins ont toujours été exemptés de droits de douane et de taxes. C'est la raison d'être même de ces magasins — intéresser les touristes et inciter les PME à toucher des revenus d'autres pays.

Ainsi, honorables sénateurs, je suis d'avis que le gouvernement devrait songer à ne pas imposer cette taxe de 10 $ la cartouche aux magasins hors taxes afin de préserver ce secteur commercial de l'économie canadienne.

[Français]

L'honorable Pierre Claude Nolin: Honorables sénateurs, j'ai pris la parole à l'étape de la deuxième lecture. Je tiens également à le faire à cette étape pour vous dire que j'appuie le principe de ce projet de loi. Toutefois, le discours que je viens d'entendre me préoccupe.

J'ai de la difficulté à accepter que l'État puisse dicter notre conduite et nous dire que nous ne devrions pas fumer, même à l'extérieur du Canada. C'est ce qu'il fait en créant, pour la première fois, une taxe sur les produits non taxables dans les boutiques hors taxes.

Cette mesure du projet de loi me préoccupe, mais nous devons quand même l'appuyer à cause de ses effets dissuasifs. Le Sénat n'a de leçons à recevoir de personne lorsqu'il s'agit d'adopter des mesures législatives qui visent à réduire la propagation du tabagisme, surtout chez les jeunes, ni d'en faire la promotion.

Les mesures fiscales visant l'augmentation du prix du tabac ont un effet direct sur la capacité et le désir chez les jeunes Canadiens d'acheter des produits du tabac. Ces mesures préviennent une exportation en franchise de droits des produits du tabac. Elles empêchent donc des produits du tabac de revenir au Canada. Nous devons être d'accord avec cette mesure.

Toutefois, je donne mon appui conditionnel à l'article du projet de loi décrivant la façon dont on disposera des revenus supplémentaires générés par ces mesures fiscales.

J'ai dit sensiblement la même chose à l'étape de la deuxième lecture. Des sénateurs m'ont demandé si cette mesure remplacerait un autre projet de loi privé que nous avons adopté en cette Chambre. Ma réponse est non. Ce projet de loi met en place un mécanisme transparent: il garantit le financement à une organisation indépendante pour atteindre les objectifs énumérés dans le projet de loi.

Il n'existe aucune garantie dans le projet de loi C-26 — ayant trait aux surplus de fonds obtenus grâce aux nouvelles mesures fiscales — que ces fonds seront dépensés pour favoriser les mesures d'aide à toute entreprise de mise en marché désireuse de réduire le marché du tabagisme au Canada. Au contraire, nous avons déjà un exemple où l'État a récupéré les sommes d'argent au nom de la lutte contre le tabagisme pour les réinvestir dans le fonds consolidé.

Ma question demeure: qu'est-ce que l'État fera avec cet apport de fonds? L'avenir nous le dira. Nous serons très vigilants, honorables sénateurs, pour nous assurer que cet apport fiscal sera adéquatement dépensé. Je vous supplie, honorables sénateurs, d'appuyer cette mesure. Il est rare que nous appuyons avec autant d'empressement une mesure fiscale, mais cette fois-ci, il n'est pas simplement question de voir comment seront utilisés les fonds, mais aussi de voir quels seront les effets de l'augmentation des taxes.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

[Traduction]

PROJET DE LOI DE 2000 MODIFIANT L'IMPÔT SUR LE REVENU

TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Banks, appuyée par l'honorable sénateur Bacon, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-22, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, certaines lois liées à l'impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur les douanes, la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur la modernisation de certains régimes d'avantages et d'obligations et une loi liée à la Loi sur la taxe d'accise.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, le projet de loi C-22, qui vise à réduire les impôts, est en fait un plan d'imposition à long terme échafaudé par le ministre de Finances, qui traitait des questions d'impôt avant les dernières élections sans avoir profité au préalable de discussions au Parlement ni d'un examen approfondi des intentions du gouvernement.

Au lieu d'agir avec fermeté, le gouvernement a choisi de prendre des mesures qui ont peu d'effet sur l'économie ou sur la vigueur de notre dollar. Son effort est qualifié de faible par les marchés mondiaux. En réponse aux demandes insistantes des Canadiens qui lui réclamaient des réductions d'impôt, le ministre Martin, dans son budget de février 2000 et son exposé économique d'octobre 2000, a présenté un timide plan de réductions d'impôts réparties sur une période de cinq ans, en augmentant par ailleurs les contributions au Régime de pensions du Canada et en n'apportant que de très légères réductions aux cotisations d'assurance-emploi.

Honorables sénateurs, pourquoi ce gouvernement continue-t-il à taxer les emplois en gardant les impôts artificiellement élevés? Il y a suffisamment d'argent dans la caisse de l'assurance-emploi pour donner aux travailleurs une dispense de cotisations pendant trois ans. Il ne fait aucun doute qu'une réduction considérable des impôts personnels, des cotisations sociales, des impôts des entreprises et de l'impôt sur les gains de capital aurait grandement augmenté la valeur de notre dollar. À vrai dire, la seule mesure efficace prise par le gouvernement a été de diminuer l'impôt sur les gains de capital.

Même là, le gouvernement n'est pas allé assez loin. Les particuliers ne devraient tout simplement pas payer d'impôt sur les gains en capital. Si on éliminait complètement cet impôt, les Canadiens seraient plus portés à prendre des risques. Notre niveau de vie est maintenant de 30 p. 100 inférieur à celui des États-Unis. Cela est attribuable en partie au revenu net des Canadiens, après impôt, ainsi qu'à une moins grande productivité.

Quelque chose ne va pas lorsque notre dollar vaut 65 cents et que nous avons un taux d'imposition de 50 p. 100. Quelque chose ne va pas lorsque les revenus moyens dans nos provinces riches, c'est-à-dire l'Ontario et l'Alberta, sont inférieurs aux revenus moyens au Mississippi, l'État le plus pauvre chez nos voisins du sud. Si le ministre avait considérablement réduit les impôts des particuliers et ceux des sociétés, cela aurait fait baisser l'inflation et montré au reste du monde que nous étions sérieusement déterminés à accroître notre productivité. Le problème est que, à mesure que nous continuons dans la voie des impôts élevés et du faible dollar, nous nous habituons à cette situation. Nous pensons que tout va bien ici.

Le gouvernement continue de nous dire que tout va bien ici. Le ministre des Finances disait tout récemment que tout allait bien, que nous allions nous sortir indemnes de la récession. Cela, mes amis, est un appel à l'inaction.

(1710)

Les allégements fiscaux accordés dans ce projet de loi sont de beaucoup inférieurs à ce que le Parti progressiste-conservateur prévoyait accorder aux Canadiens dans son programme électoral, soit une augmentation à 12 000 $ de l'exemption personnelle et de l'exemption de conjoint d'ici 2005 et une exemption complète de l'impôt sur les gains en capital pour les particuliers.

Je trouve cela répugnant que nous continuions à faire payer de l'impôt aux Canadiens qui ne gagnent que 7 500 $ par année. Je ne sais pas où vit le ministre des Finances. Je ne sais pas où vit son ministère. Je ne sais pas où vivent les députés. Pourquoi les gens sont-ils forcés de payer de l'impôt sur un revenu net de 7 500 $?

Beaucoup des changements prévus dans ce projet de loi seront adoptés avec effet rétroactif. Cela vient renforcer la tendance du gouvernement à prendre plusieurs années à légiférer pour officialiser les changements annoncés dans le budget. Il continue de percevoir les impôts en supposant que les mesures finiront par être adoptées avec effet rétroactif. Les seuls changements pour lesquels le gouvernement ne fera pas d'exception sont les crédits d'impôt remboursables. Pour toutes les autres mesures, il perçoit les impôts et fait tout ce qu'il a à faire, sauf dans le cas des crédits d'impôt.

Le gouvernement a prévu en juillet une hausse de la Prestation nationale pour enfants. C'est l'objet du projet de loi. Autrement dit, si nous retardons l'adoption de ce projet de loi, des enfants pauvres n'obtiendront pas d'argent supplémentaire. En réalité, c'est presque une forme de chantage exercée à l'endroit des parlementaires, car il s'agit d'adopter le projet de loi ou de faire attendre des enfants à faible revenu. La Prestation nationale pour enfants est une mesure financière. Elle est camouflée sous la forme d'un remboursement d'impôt, mais c'est une mesure financière qui aurait facilement pu être approuvée comme une dépense dans un projet de loi distinct. À ce sujet, comment une personne peut-elle être assez pauvre pour toucher un chèque de la Prestation nationale pour enfants mais assez riche pour payer des impôts? La Prestation nationale pour enfants est axée sur le travailleur à faible salaire dont le revenu est inférieur à 32 000$. Il y a quelque chose de répréhensible dans le fait de percevoir des impôts d'une mère célibataire gagnant la moitié de ce montant, ce que fait le gouvernement à l'heure actuelle.

Pourquoi ce gouvernement insiste-t-il pour imposer les pauvres? Il agit de la sorte parce que, en bout de piste, il veut venir en aide aux pauvres non pas en réduisant les impôts, mais bien en leur expédiant des chèques pour qu'ils soient continuellement tributaires du gouvernement plutôt que de leurs propres efforts et possibilités.

Nous revenons à quatre tranches de revenu plutôt que trois. Au lieu de simplifier les mesures fiscales, le gouvernement les a rendues plus compliquées. Je pensais que nous nous éloignions de ces complications. Le ministre Wilson avait amorcé le mouvement, le gouvernement avait poursuivi cette politique, et je pensais que nous nous dirigerions peut-être vers deux tranches de revenu. Nous sommes maintenant passés à quatre.

Honorables sénateurs, on s'éloigne également de l'équité fiscale. Le Canada est maintenant un des pays les plus lourdement imposés au sein de l'OCDE. Le projet de loi C-22, comme le C-8, le projet de loi sur les services financiers, le régime de pension du Canada d'il y a quelques années, sont tout autant de cas où le gouvernement a raté l'occasion de faire ce qu'il fallait pour le bien du pays.

Son Honneur le Président pro tempore: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté avec dissidence.)

LA LOI SUR LA RÉORGANISATION ET L'ALIÉNATION DE ELDORADO NUCLÉAIRE LIMITÉE
LA LOI SUR LA PARTICIPATION PUBLIQUE AU CAPITAL DE PETRO-CANADA

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Banks, appuyée par l'honorable sénateur Ferretti Barth, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur la réorganisation et l'aliénation de Eldorado Nucléaire Limitée et la Loi sur la participation publique au capital de Petro-Canada.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, mon collègue, le sénateur Eyton, est notre porte-parole en ce qui concerne ce projet de loi. Il est intervenu en deuxième lecture et m'a avisé qu'il n'a rien à ajouter en troisième lecture. D'après les démarches faites auprès de l'opposition, je crois que tous ont exprimé ce qu'ils avaient à dire.

Son Honneur le Président pro tempore: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Son Honneur le Président pro tempore: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

LA LOI SUR LE PARLEMENT DU CANADA
LA LOI SUR LES ALLOCATIONS DE RETRAITE DES PARLEMENTAIRES
LA LOI SUR LES TRAITEMENTS

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement) propose: Que le projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires et la Loi sur les traitements, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis ravie de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-28 sur la rémunération des parlementaires. Nous avons bénéficié pour ce débat des recommandations formulées par la commission, sous la présidence de l'honorable Ed Lumley, lesquelles recommandations nous ont été transmises le 29 mai dernier. Je tiens d'ailleurs à remercier tous les commissaires pour l'excellent travail accompli.

La commission a recommandé, dans un premier temps, de convertir en indemnité imposable l'allocation non imposable, et de l'incorporer à la rémunération de base des parlementaires.

Honorables sénateurs, en donnant suite à ces recommandations, nous accroîtrons la transparence en matière de rémunération des parlementaires. J'estime que l'initiative est à la fois équitable et honorable, et particulièrement équitable pour les contribuables qui réclament une telle transparence depuis un bon moment déjà.

La commission a ensuite recommandé d'augmenter de 20 p. 100 la rémunération de base. À l'heure actuelle, un sénateur touche une indemnité de session de 69 100 $ et une indemnité non imposable de 10 800 $. Quand la commission a effectué ses calculs, elle a abouti à un total imposable de 88 200 $. Si le projet de loi C-28 est adopté, le plein montant de l'indemnité de session des sénateurs passera à 106 400 $.

La commission a également recommandé d'aligner la rémunération du premier ministre sur celle du juge en chef de la Cour suprême et de se servir de celle-ci comme point de référence pour les augmentations futures. Le projet de loi C-28 fait table rase de l'actuel processus politique permettant de déterminer la rémunération des parlementaires, lequel processus est en place depuis près d'un quart de siècle, et le remplace par un processus indépendant et apolitique. Cela est également juste pour les contribuables canadiens.

Des changements ont également été opérés au titre du régime de pensions, honorables sénateurs. Le taux d'accumulation des prestations de pension et le taux des cotisations seront les mêmes pour les députés comme pour les sénateurs. Dans l'état actuel des choses, les députés de la Chambre des Communes bénéficient d'un taux d'accumulation de 4 p. 100 et les sénateurs, d'un taux d'accumulation de 3 p. 100. Grâce à ce nouveau projet de loi, le taux d'accumulation de ces prestations sera de 3 p. 100 pour les sénateurs comme pour les députés.

Le taux de cotisation des députés est de 9 p. 100 contre 7 p. 100 pour les sénateurs. Les nouvelles dispositions prévoient un taux unique de cotisation de 7 p. 100.

En vertu du nouveau régime, le nombre d'années permettant d'accumuler la pension maximum passerait à 25 ans. Ce changement touche la Chambre des communes, mais il ne touche pas le Sénat.

Je signale que la différence entre l'allocation non imposable actuellement accordée aux députés et celle accordée aux sénateurs est convertie en indemnité imposable et incorporée au salaire de base moins 25 000 $. Cette différence évoluera donc au fil des prochaines années. Voilà une amélioration importante pour les sénateurs. Je pense que les sénateurs savent ce qu'est cette différence et qu'ils comprennent qu'il est important de la maintenir, comme le prévoit le projet de loi C-28.

Les sénateurs seront aussi heureux de constater que le projet de loi répond à l'une de leurs préoccupations de longue date, car il prévoit une allocation d'invalidité pour les sénateurs âgés de plus de 65 ans.

(1720)

Comme les sénateurs le savent, le Comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure de cette Chambre a recommandé en 1998 que l'allocation d'invalidité, à laquelle les sénateurs ont droit jusqu'à l'âge de 65 ans, soit prolongée jusqu'à 75 ans, à la date de retraite obligatoire. Le projet de loi C-28 donne suite à cette recommandation. Il prévoit une allocation d'invalidité représentant 70 p. 100 des allocations d'un sénateur pour les sénateurs qui ne peuvent exercer leurs fonctions en raison d'une invalidité.

Cette mesure vise aussi les députés de la Chambre des communes. Il est vrai que notre société vieillit, et je crois qu'il y aura un plus grand nombre de parlementaires de plus de 65 ans dans l'autre endroit dans l'avenir.

Honorables sénateurs, selon moi, ce projet de loi est juste et raisonnable. Il donne suite aux recommandations de la commission Lumley relativement aux traitements des parlementaires en les alignant davantage sur d'autres professions comparables. Le projet de loi répond aux préoccupations des sénateurs au sujet des traitements des parlementaires de l'autre endroit, de même qu'à d'autres questions qui ont suscité des commentaires des sénateurs.

Honorables sénateurs, c'est une approche raisonnable, équitable et je crois équilibrée au traitement des parlementaires. En outre, elle fournit une base solide pour que la modification du traitement des parlementaires soit dorénavant régie par un processus indépendant et non partisan.

Je demande instamment aux honorables sénateurs d'appuyer ce projet de loi, de voter en faveur de ce projet de loi et de le défendre à voix haute dans l'arène publique. J'estime que tous les sénateurs méritent le traitement prévu dans cette mesure législative. J'invite les honorables sénateurs à me poser des questions.

[Français]

L'honorable Serge Joyal: Honorables sénateurs, j'aimerais remercier les membres du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration qui ont participé à la préparation des représentations que le Sénat a transmises aux membres de la commission Lumley et, en particulier, les sénateurs Kroft et Austin, de même que le leader du gouvernement au Sénat, grâce à laquelle, les vues du Sénat ont pu être exprimées pendant les débats et les discussions préparatoires à la décision du gouvernement de présenter le projet de loi C-28.

Cependant, honorables sénateurs, je voudrais porter à votre attention aujourd'hui un point qui m'apparaît fondamental.

[Traduction]

Le projet de loi C-28, à l'instar de tous les projets de loi soumis au Parlement, commence par la phrase suivante:

Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte:

Cette phrase énonce assez clairement et catégoriquement un des principes constitutionnels sur lequel repose notre Parlement, plus précisément que les deux Chambres du Parlement, soit le Sénat et la Chambre des communes, jouent un rôle égal en matière de conseil et de consentement, et doivent toutes deux entériner les mesures législatives fédérales. C'est un principe constitutionnel de base indéniable. C'est l'expression contemporaine du principe historique selon lequel les lois sont établies par «les souverains, les nobles et le peuple».

Comment ce principe est-il énoncé dans le projet de loi C-28 qui porte sur le traitement des parlementaires? Le projet de loi C-28 reflète-t-il vraiment le principe constitutionnel de la nécessité d'un consentement égal des deux Chambres pour valider l'édiction d'une mesure législative?

Le paragraphe 4(2) du projet de loi C-28 prévoit que le Président du Sénat recevra un traitement annuel égal au montant de base de la rémunération multiplié par un facteur de 17,6 p. 100 alors que pour le Président des Communes, il s'agit d'un facteur de multiplication de 24 p. 100. Ainsi, le Président du Sénat aura un traitement annuel de 152 160 $ et celui des Communes de 194 640 $, soit une différence de 42 480 $, ce qui est bien au-dessus de la différence de base de 25 000 $ entre la rémunération des députés et des sénateurs comme le prévoit l'article 2 du projet de loi. D'autres collègues pourront se pencher sur les raisons proposées pour expliquer la différence et s'arrêter sur d'autres questions reliées à l'établissement du montant de base.

Un tel écart dans le traitement des Présidents est difficile à comprendre. C'est encore plus vrai lorsqu'on considère le rang officiel du Président du Sénat tel qu'établi dans l'ordre de préséance. L'ordre de préséance établi par Sa Majesté du chef du Canada dans l'exercice de la prérogative royale prévoit que les cinq postes les plus élevés seront ceux tout d'abord du gouverneur général, ensuite du premier ministre, qui sera suivi du juge en chef, du Président du Sénat et enfin du Président de la Chambre des communes.

L'ordre de préséance respecte la structure du gouvernement au titre de la Couronne: l'exécutif, représenté par le premier ministre; la magistrature, représentée par le juge en chef; et immédiatement après ces deux, le représentant du pouvoir législatif dans les deux Chambres du Parlement, le Sénat tout d'abord et ensuite, la Chambre des communes.

Cette structure, qu'on retrouve dans la Loi constitutionnelle de 1867, aux articles 91 et 96, est l'interprétation cohérente, logique et rationnelle de notre système organique de gouvernement. Dans cette structure organisationnelle, le Président du Sénat passe avant le Président de la Chambre des communes. On a pu le constater, par exemple, lorsque le premier ministre Tony Blair s'est adressé aux deux Chambres du Parlement réunies lors de sa visite officielle au Canada en février dernier. Le Président du Sénat s'est adressé à l'assemblée en premier, avant le Président des Communes, même si cet événement avait lieu à la Chambre des communes.

Comment se fait-il que le Sénat profite de cette préséance, de cette désignation comme la Chambre haute? Honorables sénateurs, c'est parce que les sénateurs sont personnellement appelés par Sa Majesté au Sénat pour donner des avis et fournir de l'aide dans toutes les affaires du Canada, en passant outre à toute difficulté ou excuse pour ce faire.

La commission que reçoivent les sénateurs par ordre de Sa Majesté est bien différente du mandat confié aux députés de la Chambre des communes qui sont élus par le peuple pour représenter leurs opinions dans les débats et les affaires de la nation. Cela explique la différence au niveau de la rémunération entre les membres de chacune des Chambres.

Le rang du Sénat est également démontré par le fait que selon la tradition parlementaire, Sa Majesté ou son représentant s'adresse aux deux Chambres lorsqu'elle présente le discours du Trône et lorsqu'elle confère la sanction royale aux projets de loi adoptés par les deux Chambres, et ce uniquement au Sénat.

Le Président du Sénat joue un rôle unique et très précis. Sa principale fonction est de guider et de diriger les débats du Sénat. Il s'acquitte de cette tâche en toute impartialité, sans se laisser influencer par les activités politiques quotidiennes des partis. Il peut voter, mais il n'a pas le droit à la voix prépondérante ou décisive.

Le Président participe à l'ouverture de la législature. Il est responsable du bon fonctionnement des affaires du Sénat. Il doit également voir à ce que les pouvoirs et les privilèges du Sénat soient respectés.

Le Président est le porte parole du Sénat qu'il représente auprès du gouverneur général, du pouvoir exécutif, de la Chambre des communes et du public en général. Il reçoit la visite des chefs d'États étrangers et de leurs représentants. Il représente aussi le Parlement et le Sénat au cours de conférences internationales; il dirige des délégations parlementaires en visite dans d'autres pays et reçoit bon nombre de délégations étrangères en visite au Canada. Toutes ces fonctions du Président du Sénat sont semblables à celles du Président de la Chambre des communes.

(1730)

Par conséquent, on aurait pu penser qu'il serait juste que la rémunération du Président du Sénat soit équivalente à celle du Président de la Chambre des communes. Après tout, le Sénat et la Chambre des communes ont presque le même pouvoir législatif et possèdent le même statut à titre de Chambres du Parlement entièrement indépendantes et autonomes.

On aurait pu penser que le système logique que le projet de loi C-28 chercherait à implanter serait d'établir une somme de référence et d'appliquer, également à chacune des Chambres, un ratio pour toutes les autres fonctions liées aux débats et aux études dans les deux Chambres.

Malheureusement, il semble que le principe de parité entre les deux Chambres ne s'applique pas au poste de Président du Sénat et aux autres fonctions et responsabilités liées à la tenue des débats et des votes au Sénat.

Comme je l'ai déjà indiqué, le Président du Sénat recevra considérablement moins que le Président de la Chambre des communes. À mon avis, cela fera baisser sa position dans l'ordre de préséance où, jusqu'à maintenant, il précédait le Président de la Chambre des communes.

Que pouvons-nous faire pour corriger cette erreur, honorables sénateurs? Pouvons-nous modifier le projet de loi C-28 pour rétablir la position du Président du Sénat et assurer la parité avec les autres fonctions correspondantes à l'autre endroit? La réponse est non, nous ne le pouvons pas. Le projet de loi C-28 est un projet de loi de finances et notre pouvoir constitutionnel est limité par l'article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867. On peut soit diminuer le montant de tout crédit, et même le réduire à zéro, on peut rejeter tout simplement le projet de loi, ou encore, on peut accepter les dispositions telles qu'énoncées dans celui-ci.

Par exemple, devrions-nous ramener à 17,6 p. 100 le coefficient multiplicateur du Président de la Chambre des communes et rendre ainsi sa rémunération égale à celle du Président du Sénat?

Je crois personnellement que la méchanceté n'est pas acceptable lorsqu'on veut définir la ligne de respectabilité qui doit guider notre Chambre dans l'exécution de ses fonctions constitutionnelles.

Devrions-nous rejeter les dispositions du projet de loi C-28 et renvoyer celui-ci à l'autre endroit? L'émoi inévitable qu'une telle initiative causerait nuirait certainement au respect et à l'esprit de collaboration si essentiels au fonctionnement du Parlement.

En bout de compte, il me semble plus sage et plus utile d'envisager la possibilité d'adopter, en temps opportun, une résolution exprimant notre opposition et demandant la collaboration du gouvernement pour envisager la possibilité d'adopter un projet de loi assurant la parité salariale entre le président et les titulaires de charges officielles à la Chambre et ceux qui occupent des fonctions similaires au Sénat. Voilà comment nous devrions, à mon avis, aborder le principe constitutionnel de la parité que les membres du Sénat se doivent de réclamer.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, je partage les préoccupations si éloquemment articulées par le sénateur Joyal en ce qui concerne les dispositions du projet de loi C-28, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada, la Loi sur les allocations de retraite des parlementaires et la Loi sur les traitements.

Qui au Sénat peut contester le fait que le régime de rémunération actuel des députés et des sénateurs est foncièrement déraisonnable ou injuste, étant donné les devoirs constitutionnels qui leur incombent?

De toute évidence, le régime de rémunération actuel des parlementaires doit être revu et corrigé. Ce qui me préoccupe, ce n'est pas les niveaux de rémunération proposés. Ces niveaux me semblent justes et équitables. Ce qui m'inquiète, c'est la différence entre le salaire accordé aux titulaires de fonctions précises à la Chambre des communes par rapport au salaire versé aux titulaires de charges semblables au Sénat. L'écart traduit bien la diminution alarmante et presque institutionnalisée du rôle du Sénat qui, exception faite des pouvoirs en matière financière énoncés à l'article 53 de la Constitution qui ne lui sont pas accordés et son pouvoir de révision de la Constitution qui est restreint, détient les mêmes pouvoirs que la Chambre des communes et ce, afin d'assurer, dans une perspective historique et constitutionnelle, un système essentiel de freins et contrepoids.

Comme le mentionnait le sénateur Joyal, le Président du Sénat occupe le quatrième rang dans l'ordre officiel de préséance et le second rang, derrière le premier ministre, en matière politique. Pourquoi alors faire de la discrimination entre les Présidents des deux Chambres? Les deux occupent à plein temps des postes d'une grande importance en matière constitutionnelle. Pourquoi alors le leader du gouvernement au Sénat et le leader adjoint au Sénat devraient-ils être moins rémunérés que des ministres de second plan du gouvernement? En fait, pourquoi le leader de l'opposition au Sénat ne serait-il pas traité comme son homologue à la Chambre des communes? Tous ces gens occupent des emplois à temps plein qui revêtent une énorme responsabilité constitutionnelle.

On a soulevé la question du bien-fondé d'avoir rattaché la rémunération des parlementaires à celle du juge en chef de la Cour suprême, dont le montant deviendrait le point de référence, et qui servirait de formule en quelque sorte. Connaissant le principe de la séparation des pouvoirs, baser la formule sur une formule mise au point pour la rémunération des juges par une commission dont un membre est nommé par les juges, le second par le gouvernement et le troisième est nommé par les deux premiers membres, soulève des questions de nature constitutionnelle au moins et certainement la question du respect de la séparation des pouvoirs.

On devrait certainement pouvoir trouver un mécanisme plus approprié qui tiendrait compte de la séparation des pouvoirs dans le cadre de notre système constitutionnel bicaméral. Aux États-Unis, toute modification de la Constitution doit être soumise à une commission indépendante qui en vérifie l'équité et la recevabilité. Espérons que toutes futures délibérations du Parlement concernant la rémunération des parlementaires reviendront sur ces questions fondamentales.

Constitutionnellement, le Sénat doit se limiter soit à réduire les sommes dont il est question dans les projets de loi de finances ou, dans les cas extrêmes, à rejeter les projets de loi. En l'occurrence, j'ai adopté une méthode différente pour soulever ce que je considère être de graves questions de convenance, vu la nature bicamérale du Parlement, l'égalité des deux Chambres du Parlement dans la plupart des affaires, et la nécessité absolue de maintenir les symboles et la balance des pouvoirs prévus dans la Constitution et si soigneusement établie par les pères de la Confédération.

Honorables sénateurs, bien que la forme suive le fond, le fond suit également la forme.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question au sénateur Grafstein, s'il me le permet. Si j'ai bien compris, il s'oppose à ce que l'on se serve du salaire des magistrats, du salaire du juge en chef, comme point de référence pour la rémunération des parlementaires. Il suggère plutôt que l'on nomme une commission indépendante qui serait chargée de la question. C'est en quelque sorte ce que nous avons déjà avec la commission Lumley qui a étudié la question et en a fait rapport comme l'avait fait précédemment d'autres commissions au fil des ans après chaque élection générale.

Le problème qui se pose toutefois est que chacun d'entre nous trouve très désagréable qu'une fois que la commission a présenté son rapport, les membres des deux Chambres du Parlement doivent s'octroyer eux-mêmes leur propre régime de rémunération. Si je comprends bien, aux termes du système proposé dans le projet de loi, la rémunération serait automatique. Nous n'aurions plus jamais à voter sur notre propre salaire. Cela se ferait automatiquement.

(1740)

Je suppose que nous pouvons être indirectement appelés à nous prononcer sur le traitement des juges s'il était proposé de l'augmenter. Si je comprends bien, il n'y aura plus jamais de commission Lumley conformément à ce projet de loi et les hausses de salaire des parlementaires se feront automatiquement selon la formule déjà établie pour les juges.

L'honorable sénateur peut-elle proposer un moyen d'obtenir qu'une commission indépendante examine nos salaires sans que nous ayons à nous prononcer là-dessus?

Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je voudrais exposer ma préoccupation au sénateur. Cette préoccupation a été soulevée par une collègue de notre côté, qui voudra peut-être s'expliquer elle-même.

Le problème réside pour moi dans le lien qu'on a soigneusement fait avec une commission qui a été établie, je le répète, pour les juges. La question n'est pas réglée. Nous pourrons y revenir plus tard. Je n'éprouve aucun problème avec la formule comme telle. Ce qui me dérange, c'est le renvoi de la formule à cette commission sur les juges, en fait, ou au mécanisme prévu dans la Loi sur les juges. Cela nuit, à mon sens, à la démarcation que nous avons essayé de définir ici entre le rôle des juges et celui du Parlement. Le problème est délicat. Comme un accident, tout le monde le voit à sa façon. Au bout du compte, je crois qu'il faut tenir compte ici des convenances et sauver les apparences. Nous aurons à l'avenir des moyens de résoudre ce problème.

J'étais malheureusement à l'étranger lors de la troisième lecture du projet de loi sur les juges. Si j'avais été présent, j'aurais soulevé la question, non pas pour bloquer le projet de loi en tant que tel, car j'appuyais le projet de loi lorsque je l'ai présenté, mais pour attirer l'attention des sénateurs là-dessus. Soit dit en passant, nous ne sommes pas les seuls à soulever ce problème. D'autres l'ont fait aussi, notamment dans les milieux universitaires. Je tenais seulement à attirer votre attention sur ce problème très délicat. C'est le moment de le faire. À mon sens, nous ne devrions d'aucune façon bloquer ce qui est en marche.

Il y a de sérieuses questions qui se posent, et c'en est certainement une. Une autre question sérieuse concerne le leader du gouvernement au Sénat. Pourquoi le leader du gouvernement au Sénat, qui est ici sept jours par semaine à ce titre, gagnerait-il moins qu'un ministre de second rang ou que le chef de l'opposition à l'autre endroit? C'est un rôle des plus importants du point de vue des freins et contrepoids. Pourquoi cette personne gagnerait-elle moins? Je crois que c'est une question que nous devons soulever et que nous aurons l'occasion d'examiner de façon plus approfondie plus tard.

Le sénateur Murray: Madame le leader du gouvernement au Sénat ne gagnera pas moins qu'un ministre. Elle gagnera moins seulement parce qu'elle est sénateur. Elle est assujettie à la Loi sur les salaires et, en tant que ministre, reçoit la même rémunération que le ministre des Finances, par exemple.

Le sénateur Grafstein: Le point que je veux faire ressortir est qu'elle n'est pas une simple ministre. Elle a une responsabilité constitutionnelle à assumer. Elle représente le Sénat au Cabinet. C'est un rôle très important du point de vue constitutionnel, tout comme celui de chef de l'opposition au Sénat. Ce sont des postes qui revêtent une grande importance sur le plan constitutionnel.

Bien que je puisse comprendre la différence entre la rémunération des députés et celle des sénateurs étant donné que les députés ont plus de responsabilités à l'égard de leurs électeurs, les titulaires de fonctions spéciales ici ont autant de pouvoirs à bien des égards. Du point de vue du temps et de l'attention qu'ils doivent consacrer à leur travail, personne ne peut certainement dire que le leader du gouvernement, le leader adjoint du gouvernement ou le chef de l'opposition au Sénat ne travaillent pas aussi fort que n'importe quel député ou n'importe quel ministre du Cabinet.

Ce sont là les questions que je voulais soulever. Ce sont là mes préoccupations. En étudiant ce projet de loi, il est important que nous fassions savoir au gouvernement que certains d'entre nous ont des idées bien arrêtées au sujet de certaines de ces mesures. Nous aurons l'occasion, honorables sénateurs, de revenir sur ce point et de corriger ce déséquilibre.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Carstairs, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Fairbairn, propose que le projet de loi C-47 soit lu une deuxième fois.

Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Son Honneur le Président: Quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

LA LOI SUR LA SOCIÉTÉ DU CRÉDIT AGRICOLE

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE

L'honorable Jim Tunney propose: Que le projet de loi C-25, Loi modifiant la Loi sur la Société du crédit agricole et modifiant d'autres lois en conséquence, soit lu une deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de proposer que le projet de loi C-25, qui modifie la Loi sur la Société du crédit agricole, soit lu une deuxième fois et d'amorcer le débat à cet égard. Je suis fier de présenter ce projet de loi, car c'est une mesure législative importante qui permettra à la Société du crédit agricole de satisfaire les besoins de l'industrie agricole tant aujourd'hui que dans les nombreuses années à venir.

Je n'ai pas à rappeler à quiconque à la Chambre que l'agriculture est le fondement de l'économie de la plupart des régions rurales au Canada. Le projet de loi C-25 table sur la Loi sur la Société du crédit agricole de 1993. Il élargit l'étendue et la portée des services que la Société est en mesure d'offrir aux familles agricoles et aux entreprises liées à l'agriculture dans tout le Canada rural.

Cette mesure législative permettrait à la Société du crédit agricole d'aider plus de familles agricoles à atteindre leurs objectifs à long terme. La société viendrait en aide à un plus grand nombre d'entreprises agricoles en créant des emplois et en favorisant la croissance économique dans le Canada rural. Elle hériterait d'une nouvelle appellation, soit Financement agricole Canada — Farm Credit Canada, afin de mieux préciser son identité fédérale. La société sera en meilleure position pour contribuer à la durabilité et à la prospérité à long terme des collectivités rurales où vivent et travaillent les agriculteurs.

La société s'attache depuis longtemps à prévoir les besoins en matière d'agriculture. Depuis 1959, elle travaille en collaboration avec l'industrie afin d'offrir les services permettant de satisfaire les besoins du secteur.

Ces dernières années, la SCA a mis de l'avant bon nombre de nouveaux programmes financiers possibles lui permettant de faire face aux nouveaux besoins. On estime que jusqu'à 120 000 agriculteurs vont prendre leur retraite au cours de la prochaine décennie et que 50 milliards de dollars de biens agricoles vont changer de mains. Il est nécessaire d'offrir des services qui aident les familles agricoles à faire la transition d'une génération à la suivante, tout comme les agriculteurs qui commencent ont besoin d'aide pour partir du bon pied.

C'est pourquoi la Société du crédit agricole a lancé les prêts «Coups d'pousse» en 1998. Ces prêts tiennent compte des réalités du marché auxquelles les jeunes familles agricoles font face à l'heure actuelle. On offre aux intéressés des facilités de paiement souples pour aider les jeunes agriculteurs à prendre de l'expansion durant la phase de développement initiale. Ces options aident également les agriculteurs actuels à transmettre leur exploitation à la génération suivante.

(1750)

L'année dernière, la Société a mis sur pied les prêts Flexi-porc, une appellation qui indique qu'ils offrent une flexibilité de paiement aux producteurs de porc pour les aider à traverser les ralentissements cycliques de leur industrie. Plus tôt cette année, la SCA a lancé l'Enviro-prêt à l'échelle nationale pour permettre aux producteurs d'améliorer ou d'agrandir leurs exploitations en conformité avec les dernières normes environnementales.

La SCA est collée à la réalité et elle est attentive aux besoins des producteurs dans le secteur agricole. Elle est tournée vers l'avenir et elle prévoit les besoins de l'industrie pour les années à venir. La Loi sur la Société du crédit agricole sert bien le secteur agricole canadien depuis 1993, presque une décennie.

Cependant, comme vous le dira n'importe quel producteur, le marché a bien changé au cours des huit dernières années. Les producteurs se lancent dans de nouvelles cultures et de nouveaux élevages. Ils signent des contrats à plus long terme avec des fournisseurs et des acheteurs. Ils forment des alliances avec d'autres agriculteurs pour accroître leurs pouvoirs d'achat et de vente. Certains producteurs explorent de nouvelles formules de coopératives, d'autres se lancent dans la fabrication de produits à valeur ajoutée pour diversifier leurs sources de revenus.

L'exploitation agricole moyenne exige un éventail plus complexe de services financiers et commerciaux qu'on aurait pu le prévoir lorsque la loi a été modifiée pour la dernière fois en 1993. La SCA a joué un rôle de premier plan pour essayer de répondre aux besoins. C'est la seule institution financière nationale totalement dévouée à l'agriculture. Son slogan, «L'agriculture — notre raison d'être» est plus qu'une simple stratégie de commercialisation, c'est une déclaration de fait.

Les 900 employés de la société sont bien connus pour leurs compétences en matière d'agriculture, la plupart d'entre eux venant du milieu agricole. Grâce à son réseau de 100 bureaux, la SCA est en mesure de rejoindre les producteurs dans tout le Canada rural. Toutes ces qualités permettent à la société de jouer un rôle de chef de file encore plus grand dans la construction de l'industrie agricole de l'avenir.

Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a rencontré les cadres supérieurs de la Société du crédit agricole il y a deux ans afin de discuter avec eux de la modification de la loi de 1993. Je leur ai demandé de consulter les associations agricoles et les groupes financiers pour savoir si l'on devrait modifier la loi de façon à répondre aux nouveaux besoins de l'industrie.

En hiver de l'an 2000, les responsables de la SCA ont rencontré plus de 100 organisations nationales et régionales pour examiner avec elles les changements proposés à la loi actuelle. La majorité des organisations agricoles étaient en faveur des propositions. Elles ont reconnu la nécessité de modifier la loi pour répondre aux besoins de leurs membres et des producteurs en général. La principale préoccupation exprimée par certains regroupements agricoles a trait au fait que la SCA continue à se concentrer sur les exploitations familiales et la production primaire.

Laissez-moi vous dire que l'agriculture va demeurer le principal centre d'intérêt et le moteur de la société. C'est dans la loi. Aujourd'hui, 94 p. 100 des prêts de la SCA vont à des producteurs primaires. Pour bien montrer l'engagement de la SCA à l'égard des producteurs, nous avons inclus une modification exigeant que les activités de la société visent principalement les exploitations agricoles.

Durant les réunions qu'ils ont eues avec les groupes financiers, les représentants de la SCA se sont donné beaucoup de mal pour montrer le désir de la société de trouver d'autres occasions de former un partenariat avec le secteur privé et les autres organismes gouvernementaux et non pas de leur faire concurrence. D'autres options financières sont manifestement nécessaires dans le Canada rural et les partenariats seraient un moyen efficace de régler ce problème.

La SCA s'emploie à essayer de former avec d'autres institutions financières et organismes du gouvernement des partenariats qui bénéficieront à la fois de son expertise des questions agricoles et de son implantation dans les régions et de leurs services spécialisés. À ce jour, la Société du crédit agricole a établi 27 partenariats dont elle compte élargir le nombre au cours des années à venir.

Grâce à la rétroaction et aux recommandations issues de ces consultations, le gouvernement fédéral a élaboré des propositions de modifications pour actualiser la loi. Il s'est inspiré pour ce faire de trois principes directeurs: premièrement, la nécessité de donner aux exploitants agricoles un plus grand choix de services financiers et commerciaux; deuxièmement, la nécessité d'offrir aux travailleurs agricoles un accès élargi aux capitaux pour aider les producteurs primaires; troisièmement, la nécessité pour la SCA de se pourvoir d'une plus grande souplesse dans ses structures de façon à offrir un nombre accru de services grâce à des partenariats et à préserver sa viabilité pour mieux servir les producteurs à long terme.

Je passerai brièvement en revue les principales modifications proposées. La première modification témoigne de l'engagement continu du gouvernement fédéral à l'égard du secteur agricole canadien. Nous voulons remplacer le nom de la Société du crédit agricole par celui de Financement agricole Canada. Ce changement correspond au mandat de la société d'État, qui est de servir le Canada rural. En ajoutant le mot «Canada» au nom de cet organisme, nous envoyons un message sans équivoque pour indiquer que le gouvernement fédéral joue un rôle actif auprès de la communauté rurale. Ce changement de nom s'inscrit également dans le droit fil des nouvelles directives fédérales relatives à l'image de marque de la société.

Une autre modification d'importance autorise la Société du crédit agricole à offrir des services commerciaux aux producteurs, que ce soit directement ou dans le cadre de partenariats. Comme je l'expliquais, le producteur moyen doit avoir accès à des services de gestion commerciale variés pour réussir. Il peut s'agir de services de planification commerciale, de planification successorale ou de gestion foncière. Ces services existent présentement dans certaines zones rurales canadiennes, et la SCA peut fournir le réseau nécessaire pour rendre ces services accessibles à tous les secteurs ruraux du Canada. Les exploitations agricoles sont des entreprises tout aussi complexes que n'importe quelle petite entreprise en zone urbaine. Elles méritent d'avoir le même accès aux services que leur pendant de la ville.

Le projet de loi précise la capacité de la SCA d'offrir un financement de crédit-bail aux exploitants agricoles. Bien que la loi n'empêche pas la société d'offrir ce genre de financement, la portée de tels services doit être plus clairement définie. Le crédit-bail constitue une formule de financement de plus en plus populaire pour les producteurs qui recherchent une plus grande souplesse pour gérer leurs mouvements de trésorerie. Cela s'applique particulièrement aux producteurs qui débutent.

Le projet de loi permettra à la Société du crédit agricole d'offrir aux producteurs et aux entreprises liées à l'agriculture un financement par actions. De nombreuses exploitations agricoles et entreprises liées à l'agriculture doivent avoir accès au financement par actions ainsi qu'au financement à terme. En fait, les collectivités rurales ne peuvent pas créer des industries agricoles à valeur ajoutée sans capitaux propres et capital de risque. La SCA pourra non seulement participer directement au capital d'entreprises agricoles locales, mais elle pourra aussi utiliser son investissement comme levier pour attirer d'autres investisseurs.

Un amendement important de la loi permettra à la Société du crédit agricole de fournir des services financiers à des entreprises complémentaires qui misent sur l'agriculture. Actuellement, la société n'est autorisée à prêter qu'à des entreprises appartenant à des agriculteurs. En prenant un peu de recul, on constate rapidement que l'agriculture ne se définit plus seulement en termes de fournisseurs, d'agriculteurs et de transformateurs. Avec l'intégration de l'industrie, les interdépendances se multiplient. L'agriculteur qui est passé de la culture du blé à celle des pois chiches compte peut-être sur un transformateur local pour lui acheter sa récolte.

Son Honneur le Président: Je suis désolé d'interrompre le sénateur Tunney, mais je dois signaler aux sénateurs qu'il est maintenant 18 heures. Notre Règlement prévoit que je quitte le fauteuil et lève la séance jusqu'à 20 heures, à moins que nous décidions de faire abstraction de l'heure.

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je propose que nous fassions abstraction de l'heure.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Cette proposition semble fort valable.

Son Honneur le Président: Les honorables sénateurs sont-ils d'accord pour que nous fassions abstraction de l'heure?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Tunney: Honorables sénateurs, les modifications à la structure financière de la société offriront plus de souplesse dans la création de partenariats et la prestation de services élargis. La Société du crédit agricole pourra créer des filiales pour conclure des partenariats qui offriront de nouveaux services de façon indépendante de la société existante. La société aura accès à un plus vaste éventail d'instruments de gestion financière pour financer les services qu'elle offre aux producteurs. Ces modifications aideront la société à offrir de nouveaux services qui répondent aux nouveaux besoins.

Au cours des quatre dernières décennies, la SCA a servi les producteurs et l'agriculture au long de tous les cycles de produits agricoles et dans les temps difficiles comme dans les temps heureux. La société a fait montre d'une grande flexibilité en travaillant avec les producteurs pour leur faire traverser les périodes de repli des marchés et de désastres météorologiques.

Cet engagement est particulièrement évident quand les temps sont difficiles. En 1998, la SCA est venue en aide aux producteurs du Québec et de l'Ontario qui ont souffert de la tempête de verglas. La société a travaillé avec les producteurs des Prairies tout au long du repli dans les céréales et les oléagineux. Au cours de l'année dernière, la SCA a aidé les agriculteurs du sud de l'Alberta à tenir le coup durant une grave sécheresse.

Honorables sénateurs, je viens d'expliquer les raisons qui nous incitent à faire modifier la Loi sur la Société du crédit agricole. J'ai aussi expliqué les principales modifications et leurs avantages pour les producteurs canadiens. J'invite les sénateurs à adopter cette importante mesure législative.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vais donner la parole au sénateur Gustafson pour qu'il traite du projet de loi, mais les sénateurs Taylor et Milne ont des questions à poser.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, j'ai une question à poser. Je ne suis pas sûr d'avoir tout compris de tout ce qui a été dit sur la Loi sur la SCA, et je ne me suis pas tenu parfaitement à jour, mais j'ai l'impression que le sénateur Tunney a très bien expliqué comment la SCA devra prendre de l'expansion, non seulement du côté des exploitations agricoles, mais aussi du côté du financement de la transformation des produits agricoles.

Je n'ai pas compris où la SCA trouvera d'autres capitaux, puisqu'elle finance déjà les agriculteurs. De quelle façon trouvera-t-elle plus de capitaux pour prendre de l'expansion dans le nouveau secteur visé?

Le sénateur Tunney: Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je ne sais s'il a comme moi l'âge de se rappeler ce qui suit: lorsque le crédit agricole a été instauré en 1959, le gouvernement fédéral a constitué la société. Cette dernière a dû être financée jusqu'à ce que les recettes de ses activités de prêt commencent à s'accumuler, ce qui est maintenant le cas. Pendant des années et des années, la Société du crédit agricole a été en mesure de prêter l'argent venant des hypothèques échues ou des paiements hypothécaires.

Lorsque l'on élargi les activités globales, il faut bien sûr de l'argent frais. Cet argent vient du gouvernement fédéral sous forme de prêts à rembourser au Trésor. Pour certains services, les agriculteurs paient des frais d'utilisation. Les agriculteurs sont très heureux de verser ces frais pour bénéficier de ces services, comme je peux le souligner d'après ma propre expérience. Lorsque j'étais un client, je présentais mes finances mensuelles au bureau de Canfarm et j'obtenais en retour un imprimé indiquant exactement ma situation. Chaque mois, je savais à un sou près ce qu'il m'en coûtait pour produire une livre de lait.

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, compte tenu de son rôle accru, est-ce que le nouvel organisme appelé Financement agricole Canada peut nous donner l'assurance que les programmes pertinents seront élaborés et mis en application? Je pose cette question en particulier en ce qui concerne les producteurs de chanvre, qui ne réussissent présentement pas à obtenir de l'argent de la Banque de développement du Canada. Ils n'y arrivent pas jusqu'à maintenant parce que les entreprises agricoles sont historiquement incapables d'offrir les grands rendements que les établissements de prêt ordinaires exigent. Est-ce que Financement agricole Canada s'attaquera à ce problème?

Le sénateur Tunney: Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Je vais faire une observation tout en répondant à sa question.

Premièrement, nous savons que les établissements financiers commerciaux ne sont pas toujours enthousiastes à l'idée d'assurer un financement inhabituel. À mon avis, une nouvelle usine de transformation de la fibre de chanvre exige un financement inhabituel.

Au Manitoba, nous connaissons une entreprise des États-Unis qui n'a pas connu de succès. Nous connaissons aussi une entreprise de l'ouest de l'Ontario qui a certes connu un succès à très petite échelle. Cette entreprise cherche à obtenir du financement en vue d'établir une installation de la taille appropriée pour répondre aux besoins d'une nouvelle industrie de l'Ontario qui pourrait connaître une réussite extraordinaire. Je suis sûr que si nous nous y prenions bien, cela pourrait aussi fonctionner au Manitoba et probablement en Saskatchewan.

Il y a une pénurie de nouvelles récoltes présentement. Les céréales et les oléagineux se vendent à très bon marché, presque à des prix de faillite. La Société du crédit agricole possède une excellente feuille de route en matière de financement. Nombre de banques et d'institutions financières s'orientent dans l'autre sens. Trop souvent, les états financiers révèlent que la banque a fait une mauvaise affaire. Le coefficient de perte de la Société du crédit agricole est étonnamment bas et très peu de ses clients se trouvent en situation d'arrérage.

Le sénateur Milne: Les agriculteurs remboursent leurs dettes.

(1810)

L'honorable A. Raynell Andreychuk: J'ai apprécié que le sénateur Tunney signale que le projet de loi sur la Société du crédit agricole continuera d'être axé sur les exploitations familiales. Pourtant, un grand nombre d'agriculteurs ont affirmé que ce n'est pas la façon de revitaliser l'industrie agricole et que celle-ci devrait probablement avoir sa propre initiative et ne pas recourir à ce mécanisme. Le sénateur Tunney semble me donner l'assurance, avant que le comité se soit penché sur le projet de loi, que l'élément central du projet de loi demeurera avant tout le soutien aux entreprises familiales.

L'honorable sénateur peut-il m'assurer qu'il y aura un mécanisme de reddition de comptes intégré de façon que dans un, deux ou trois ans, les fonds ne soient pas investis, de façon discrétionnaire, dans des entreprises connexes loin de l'exploitation familiale, comme cela s'est trop souvent produit, dans le passé, dans le cas d'autres mesures législatives.

Le sénateur Tunney: Je remercie l'honorable sénateur de sa question. La Société du crédit agricole, en tant qu'industrie de service, perdrait sa crédibilité, sa popularité et son soutien très rapidement si elle commençait à s'éloigner de l'objectif pour lequel elle a été créée. Cela ne sera pris en compte que dans la mesure où les nouvelles formules de financement aideront les agriculteurs déjà actifs. En d'autres termes, Financement agricole Canada, nouvelle désignation de la SCA, ne deviendra pas une institution financière comme tant d'autres que nous connaissons.

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, je vais parler très brièvement du projet de loi. Je tiens à préciser clairement dès le départ que ce que j'ai à dire sur ce projet de loi ne porte pas sur tout ce que fait la Société du crédit agricole, mais je vais parler du projet de loi C-25 que j'appuie. Il est vrai qu'il faut apporter des modifications à la façon dont la Société du crédit agricole procède au recouvrement de l'argent dû par des agriculteurs en difficulté notamment. Je veux le préciser clairement, mais mes observations d'aujourd'hui seront centrées directement sur le projet de loi C-25.

Ce projet de loi, avec lequel je suis tout à fait en accord, est divisé en deux parties. Tout d'abord, il indique très clairement que la société doit s'occuper principalement des exploitations agricoles et notamment des fermes familiales. Tous ceux qui connaissent un peu les fermes des Prairies savent que les exploitations familiales assurent la stabilité de ce secteur. Les agriculteurs travaillent ensemble avec leur femme et leurs enfants, et cela renforce l'exploitation, mais bien souvent, il est impossible d'obtenir du financement, à moins que ces gens ne forment une société en règle. Le projet de loi donne un effet de levier financier, si je ne m'abuse, qui va aider la ferme familiale à être financée et plus particulièrement à faire la transition d'une génération à l'autre.

Un des problèmes auxquels les agriculteurs sont confrontés à l'heure actuelle, c'est que les plus vieux, dont les seules épargnes sont peut-être les capitaux propres dans la ferme, n'ont pas un régime de retraite. S'ils ne peuvent obtenir de l'argent de la ferme familiale et si les jeunes agriculteurs poursuivent leurs activités, cela pose un grave problème. Si je ne m'abuse, le projet de loi va aider à cet égard.

L'autre point important, ce sont les domaines connexes qu'on va financer. Je prends comme exemple l'usine de fabrication de pâtes alimentaires que les agriculteurs ont essayé de mettre sur pied à Weyburn. J'espère que la Commission canadienne du blé écoute et qu'elle fait des modifications qui vont permettre à la Société du crédit agricole de s'acquitter de son travail relativement au projet de loi C-25. Si la commission ne coopère pas et ne permet pas aux agriculteurs d'avoir leur propre grain, comme cela était le cas, et de le transformer dans une usine de fabrication de pâtes alimentaires, l'entreprise déménagera au Dakota du Nord. Je vais faire cet avertissement. Cependant, ce n'est pas entre les mains de la Société du crédit agricole. La société précise que pour de telles entreprises de transformation et entreprises agricoles connexes, elle débloquera des fonds.

Je tiens à dire que de ce côté-ci, nous appuyons ces initiatives constructives. C'est l'une des meilleures mesures législatives présentées dans l'intérêt de l'agriculture à ce stade-ci. Nous l'appuyons donc.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

RENVOI AU COMITÉ

Son Honneur le Président: Quand lirons-nous ce projet de loi une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Tunney, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.)

AGRICULTURE ET FORÊTS

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat, je propose d'autoriser le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts à siéger aujourd'hui, même si le Sénat siège en ce moment, pour que nous puissions y approfondir l'étude du projet de loi.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

AFFAIRES SOCIALES, SCIENCES ET TECHNOLOGIE

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et par dérogation à l'alinéa 58(1)a) du Règlement, je propose:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à siéger à 18 h 30 aujourd'hui, le mardi 12 juin 2001, même si le Sénat siège à ce moment et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honourables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

LA LOI SUR LES ARRANGEMENTS FISCAUX ENTRE LE GOUVERNEMENT FÉDÉRAL ET LES PROVINCES

PROJET DE LOI MODIFICATIF—TROISIÈME LECTURE

L'honorable Bill Rompkey propose: Que le projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, soit lu une troisième fois.

— Honorables sénateurs, je voudrais simplement faire quelques observations sur le projet de loi C-18, parce que je pense qu'un autre article dont nous serons saisis plus tard aujourd'hui donnera lieu à un débat plus substantiel et, une fois que cela sera fait, il faut espérer que nous aurons l'occasion de nous attaquer de nouveau à cette question à l'automne.

Nous devrions appuyer ce projet de loi. Il hausse le plafond pour une autre année. Ce n'est pas suffisant, ce n'est pas ce que nous voulons, mais nous ne pouvons pas refuser cela.

En effet, cette mesure est synonyme de fonds pour toutes les provinces bénéficiaires. Dans mon cas, soit dans le cas de Terre-Neuve, cela signifie un montant additionnel de 36 millions de dollars, ce qui, d'après ce que nous a dit le ministre des Finances ce matin, représente une dizaine de jours de soins de santé.

(1820)

Il y a de véritables problèmes auxquels il faut s'attaquer. Les provinces bénéficiaires n'ont pas suffisamment de fonds pour les soins de santé et l'éducation. Cependant, je ne crois pas que ce soit la bonne occasion pour débattre de ces problèmes. Nous devrions prendre le temps d'examiner la question en profondeur.

Je demande donc au Sénat d'adopter le projet de loi C-18 tel quel.

[Français]

L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, j'aimerais dire quelques mots au sujet du projet de loi C-18, Loi modifiant la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces.

La péréquation constitue une manifestation du pouvoir fédéral de dépenser. Elle se traduit par des transferts inconditionnels du gouvernement fédéral aux provinces les moins nanties du Canada. Actuellement, seules l'Alberta, la Colombie-Britannique et l'Ontario ne reçoivent pas de paiements de péréquation.

L'objectif fondamental des paiements de péréquation est de procurer aux provinces qui en ont besoin le financement nécessaire pour qu'elles puissent offrir des services publics sensiblement comparables à ceux des provinces plus riches.

D'ailleurs, quand l'autorité fédérale intervient dans le domaine de la péréquation et de la lutte aux disparités régionales, son intervention est jugée en accord avec les principes du fédéralisme. Au Canada, le pouvoir central redistribue la richesse entre les provinces riches et les provinces moins fortunées pour égaliser les chances. Sans ressources financières appropriées, une province ne jouit pas adéquatement de son autonomie constitutionnelle.

Le principe de la péréquation et de la lutte aux disparités régionales est maintenant constitutionnalisé et ce, sans modifier le partage des pouvoirs. Il reste aux tribunaux à se prononcer sur la portée de ces dispositions législatives.

Il n'est pas sûr, selon certains juristes, que l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982 ait plus qu'une valeur morale et politique. Le professeur Hogg est porté à croire que cet article n'entraîne probablement pas d'obligation juridique. C'est aussi l'opinion de la professeure Andrée Lajoie, d'Elmer Driedger et de l'ancien greffier du Conseil privé, Gordon Robertson. Par contre, les professeurs Brun et Tremblay, dans leur ouvrage intitulé Droit constitutionnel, écrivent que le paragraphe 36(1), et je cite:

[...] a plutôt légitimé les intrusions financières du gouvernement fédéral afin d'assurer «l'égalité des chances», notamment quant à la fourniture des «services publics essentiels».

De même, dans une thèse de maîtrise très fouillée qui a été déposée en septembre 1993 à l'École des études supérieures et de la recherche de l'Université d'Ottawa, Me Claude Lebel soutient avec conviction que l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982 est bel et bien justiciable.

Il estime que l'article 36 constitue une norme constitutionnelle tout à fait légitime qui résulte d'une conception de la justice sociale fondée essentiellement sur l'égalité des chances. À cet égard, le paragraphe 36(2) de la Loi constitutionnelle de 1982 énonce l'engagement du principe de la part du Parlement et du gouvernement d'effectuer des paiements de péréquation. Selon Me Lebel, et je cite:

Cet engagement a pour effet de délimiter de manière relative cette obligation de nature financière et fiscale en lui donnant un effet constitutionnel et juridique réel. Il a été pris pour concrétiser une des idées, soit l'idée de partage de la richesse collective, de ceux qui ont ainsi exercé leur détention de la force politique au moment de son enchâssement dans la Constitution.

Il en résulte que cette idée de prendre un tel engagement est devenue un fait juridique dont l'origine politique a été convertie en une obligation de nature constitutionnelle. Deux conséquences résultent de ce processus:

a) toute disposition incompatible avec cet engagement doit être déclarée invalide ou inopérante conformément à ce qui est énoncé de manière globale par le paragraphe 52(1); et,

b) les textes de toutes les lois qui dérivent directement de cet engagement et qui sont directement concernés par l'objectif de cet engagement doivent être interprétés en fonction de celui-ci.

La portée de l'article 36 n'a pas fait l'objet d'une décision judiciaire. Je suis d'avis que la Cour Suprême pourrait dire que le gouvernement fédéral doit s'engager, donc que l'article 36 a une portée juridique, mais elle ne peut se prononcer sur les sommes à dépenser, car ce serait intervenir dans la sphère parlementaire.

Le projet de loi C-18 a pour objet l'élimination, pour l'année 1999-2000, du plafond qui s'applique aux paiements de péréquation. Il s'agit, à mon avis, d'une bonne mesure qui, d'ailleurs, était réclamée par une majorité des provinces. Ce plafond, comme l'a souligné le sénateur Comeau dans son discours du 29 mai 2001, devrait être éliminé de façon permanente.

[Traduction]

L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, il y a un certain nombre de commentaires que j'aimerais faire relativement au projet de loi C-18, qui éliminerait de façon rétroactive le plafond sur les paiements de péréquation pour l'exercice financier 1999-2000.

Le projet de loi C-18 a été décrit de plusieurs façons à l'autre endroit. On a parlé d'ententes politiques, un genre de guimauve lancée dans les dernières heures avant les dernières élections fédérales pour faire accepter aux provinces une mesure qui accorderait moins que l'entière restitution des transferts du TCSPS aux niveaux de 1993. On a également dit qu'il s'agissait d'une tentative en vue de tromper les Canadiens, un maigre effort en vue de remettre de l'argent après avoir extirpé 23 milliards de dollars du TCSPS, prétendant qu'il s'agissait là d'une grande largesse de la part du gouvernement libéral si charitable. D'autres ont affirmé que c'était une piètre mesure d'intérêt public faisant suite à des revendications politiques faites à l'occasion d'une séance de marchandages avec les premiers ministres provinciaux, ce qui n'est pas une façon acceptable d'élaborer des politiques valables. On a aussi dit à l'autre endroit que cette mesure visait à tromper les ministres provinciaux des finances, puisque le rétablissement du plafond, dans un an, nous amènera à un niveau inférieur à celui auquel les ministres des finances avaient cru s'être entendus le 11 septembre 2000.

On a dit aussi à l'autre endroit que le projet de loi lésait les Canadiens puisqu'en cette période d'excédents budgétaires records au niveau fédéral, les plus importants jamais enregistrés, le gouvernement fédéral a imposé un plafond irréaliste sur les paiements de transfert. On a dit qu'il trafique le programme national de péréquation, puisqu'une mesure spéciale ne peut arriver à apporter les améliorations plus importantes qui s'imposent à plus long terme pour le programme de péréquation.

Honorables sénateurs, certains ont dit à l'autre endroit que cette mesure violait notre constitution, puisque l'imposition d'un plafond sur les paiements de péréquation viole l'esprit et le sens de la Constitution en restreignant le potentiel du programme d'atteindre ses objectifs fondamentaux. On a également parlé de problème moral puisqu'un programme affaibli, un programme fondé sur la notion d'égalité au Canada et basé sur les principes constitutionnels soulève des problèmes moraux.

Il évident, honorables sénateurs, qu'un résumé des griefs soulevés à l'autre endroit peut être quelque peu exagéré et peut même être, à certains égards, incorrect. Toutefois, il nous permet de fonder les réserves que nous entretenons face à cette mesure législative et au programme de péréquation en général.

(1830)

Mes collègues, les sénateurs Comeau, Buchanan et Kinsella, ont exposé avec perspicacité les lacunes fondamentales de ce projet de loi et les modifications qu'il fallait y apporter, de même qu'au programme de péréquation en général, notamment supprimer et non pas rétablir ou bien établir le plafond à un niveau plus élevé; ajuster la disposition de récupération; entreprendre un examen approfondi du programme de péréquation; et restaurer la confiance en l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982 et dans l'engagement que le premier ministre a donné aux provinces d'enlever le plafond de la formule de péréquation et de permettre aux droits à péréquation de croître pour atteindre le niveau de croissance de l'économie.

Honorables sénateurs, il faut comprendre dans son véritable contexte qu'il est extrêmement important de renforcer le programme de péréquation. À simplement parler, c'est une des clés pour atteindre une plus grande autonomie dans les sept provinces les moins prospères. Plus précisément, renforcer le programme de péréquation contribuerait de façon concrète à faire progresser la région de l'Atlantique dans la voie de l'autonomie et à réduire l'écart économique avec le reste du pays.

Prenant la parole lors d'une récente réunion des ministres des Finances de la région de l'Atlantique, la trésorière provinciale de l'Île-du-Prince-Édouard, Patricia Mella, a peint avec un relief saisissant le dilemme de la région de l'Atlantique.

Les restrictions antérieures et actuelles imposées par le gouvernement fédéral au programme de péréquation et aux paiements de transfert fédéraux au titre de la santé et de l'enseignement postsecondaire ont sérieusement limité la capacité de la région de progresser à la même allure que le reste du pays.

De même, les ministres des Finances de la région soutiennent que les stratégies agressives de réduction d'impôt dans les provinces les plus riches ne font qu'ajouter aux pressions pour tâcher de maintenir des niveaux de service à des taux d'imposition compétitifs dans les provinces moins riches de l'Atlantique.

Les données empiriques viennent étayer l'argument selon lequel renforcer le programme de péréquation aurait non seulement un avantage positif pour les provinces de l'Atlantique et pour les autres provinces bénéficiaires, mais serait bénéfique pour le pays dans son ensemble.

Loin d'être un fardeau pour les contribuables de l'Alberta, de l'Ontario et de la Colombie-Britannique, une autonomie accrue des provinces de l'Atlantique et des autres provinces bénéficiaires leur permettra à plus long terme de moins dépendre du système actuel de transferts fédéraux.

Lors de sa comparution devant le Comité permanent des finances de l'autre endroit, le ministre des Finances du Manitoba, Greg Selinger, a soutenu que le programme de péréquation servait bien la nation. Il a cité particulièrement une étude récente effectuée par les professeurs Bird et Vaillancourt. Cette étude révèle ce qui suit:

[...] depuis la mise en place du programme de péréquation en 1957, les provinces bénéficiaires ont joui d'une croissance économique per capita légèrement plus élevée que les provinces qui ne reçoivent pas de paiements de péréquation.

M. Selinger conclut en disant:

Je pense qu'il s'agit là d'un résultat remarquable, un résultat qui réfute bien la notion répandue selon laquelle la péréquation nuit à la croissance économique. En un mot, la réalité c'est que la péréquation ne crée pas de dépendance. Elle assure aux provinces les moyens nécessaires à la croissance et à la diversification de leur économie, les rendant ainsi moins dépendantes des tranferts du gouvernement fédéral.

Le ministre des Finances, l'honorable Paul Martin a confirmé ce point de vue lors de la réunion que le Comité sénatorial permanent des finances nationales a tenue jeudi dernier. Il a dit que la péréquation n'entrave pas le développement économique et ne crée pas la dépendance.

Apparemment, l'argument selon lequel la péréquation est un facteur déterminant de la croissance économique et qu'elle ne crée pas la dépendance vient appuyer le souhait exprimé d'un bout à l'autre du pays à l'égard du renforcement du programme de péréquation. Lors de la conférence qu'ils ont tenue en août dernier, les premiers ministres ont pressé le gouvernement fédéral de raffermir son engagement envers le programme de péréquation, de manière à ce que le programme atteigne ses objectifs constitutionnels.

À la réunion qu'ils ont tenue en décembre, les ministres des Finances des provinces et des territoires ont réitéré leur appui à la position réclamant la suppression du plafond des paiements de péréquation. Toutefois, comme les sénateurs le savent et comme le ministre des Finances l'a affirmé lors de la réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales, bon nombre de gens sont d'avis que la péréquation est inéquitable et qu'on ne saurait en aucun cas renforcer ce programme.

Permettez-moi d'aborder brièvement la question de l'équité. D'aucuns soutiennent que le renforcement du programme de péréquation est inéquitable parce que la région de l'Atlantique, d'où je viens, obtient déjà plus que sa part des transferts fédéraux, sous-entendant par là qu'elle n'a pas besoin de paiements de péréquation plus élevés.

Ce point de vue est préconisé par les députés de l'opposition officielle à l'autre endroit. Par exemple, le Hill Times du 28 août de l'année dernière a rapporté ces propos qu'a tenus le porte-parole de l'opposition en matière de finances:

Il y a une concentration démesurée de subventions aux entreprises dans le Canada atlantique.

Un autre porte-parole de l'Alliance canadienne aurait déclaré:

[...] que le Canada atlantique est très exceptionnel en ce sens qu'il reçoit un montant très démesuré pour favoriser son développement économique.

Honorables sénateurs, cela n'est tout simplement pas vrai. Les faits n'étayent pas cette affirmation farfelue. Le Conseil économique des provinces de l'Atlantique a récemment publié un rapport, inspiré de données de Statistique Canada de 1998, dans lequel il a été conclu que le Canada atlantique recevait des subventions aux entreprises, par habitant, bien inférieures à la moyenne nationale. Les provinces qui recevaient le moins de subventions aux entreprises étaient le Nouveau-Brunswick et Terre-Neuve, suivis de l'Ontario et de la Nouvelle-Écosse.

Je présume que les vieux mythes ont la vie dure.

Nous ne devrions pas laisser ces mythes empêcher de reconnaître que ma région devient de plus en plus autonome. L'écart se rétrécit.

Comme le premier ministre Lord l'a déclaré au réseau de télévision de la SRC mercredi dernier, un des objectifs de sa politique économique est d'aider à faire en sorte que le Nouveau-Brunswick contribue à la péréquation au lieu d'en être bénéficiaire.

Cela nous amène à l'aspect plus important: le programme de péréquation devrait être considéré comme un programme temporaire, protégé par la Constitution, qui permet d'aider les provinces qui, pour une raison ou pour une autre, n'ont pas encore acquis ou qui ont perdu les ressources fiscales pour assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables, comme les provinces plus prospères.

Si cette opinion publique qui est gênée par le programme de péréquation le considérait sous le même angle que le premier ministre Lord, soit comme un programme auquel il faut cesser d'adhérer, auquel il faut contribuer et non dont il faut bénéficier, il serait peut-être mieux accepté par la population, et certains vieux mythes qui sont devenus ancrés, notamment dans le Canada atlantique, disparaîtraient peut-être sans bruit.

Les honorables sénateurs qui ont assisté à la réunion du Comité des finances nationales aujourd'hui conviendront avec moi que le ministre des Finances de Terre-Neuve, M. Aylward, a fait une présentation impressionnante.

La position du gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador sur le projet de loi C-18, c'est essentiellement que le plafond devrait être aboli ou, sinon, qu'il devrait être juste et raisonnable.

Selon les témoignages fournis au comité de l'autre endroit, la position du ministre Aylward, des autres ministres de la région atlantique et du ministre des Finances de l'Alberta, le plafond est injuste, même après le projet de loi C-18. Il n'est pas juste et il n'est pas raisonnable, et cela crée un précédent déplorable qui pourrait avoir de graves conséquences sur la capacité du programme de péréquation d'être adéquat à l'avenir.

Lors de son témoignage, madame le ministre Aylward a essayé de définir ce que serait un plafond juste et raisonnable vu que le gouvernement insiste tant pour maintenir un plafond.

À tous le moins, le plafond devrait être recalculé à partir d'un niveau plus réaliste [...] Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador estime que, au minimum, le nouveau seuil de calcul devrait être le montant total réel des versements effectués en 1999-2000. Je signale que même ce montant minimum est plus limitatif que ne devrait l'être un plafond compte tenu des objectifs clairement énoncés par le gouvernement fédéral à cet égard.

Le témoignage fourni à l'autre endroit par le ministre des Finances du Manitoba, M. Selinger, appuie la position de Terre-Neuve et du Labrador.

En ce qui concerne le C-18, notre position est très claire: enlever le plafond. Si vous ne le supprimez pas, calculez-le en fonction du montant réel de l'année pendant laquelle il a été supprimé et laissez-le monter en fonction du PIB.

La valeur de base serait donc établie à 10,78 milliards de dollars. En ramenant le chiffre à 10 milliards, nous ne suivons pas la progression du produit intérieur brut. Nous régressons.

Ce serait une amélioration importante pour les provinces. C'est la position des dix provinces et il m'apparaît important de répéter qu'il y a consensus.

À mon avis, et je vais paraphraser le ministre Selinger, les temps ont changé. Le plafond a été fixé à l'époque où le gouvernement fédéral était aux prises avec d'importants déficits croissants. Nous sommes maintenant en période d'excédents sans précédent, qui dépassent les 10 milliards de dollars. Le gouvernement fédéral va trop loin quand il alimente ses excédents en limitant les paiements versés aux sept provinces les plus démunies du Canada, ou en en récupérant une partie.

(1840)

Encore une fois, honorables sénateurs, comme l'a expliqué le ministre des Finances du Nouveau-Brunswick, M. Norman Betts:

Les provinces bénéficiaires ne sont pas les seules à s'inquiéter du plafond et des répercussions qu'il pourrait entraîner. À la conférence annuelle des premiers ministres d'août 2000, les premiers ministres se sont ralliés pour réclamer, parmi d'autres réformes budgétaires, l'élimination du plafond des paiements de péréquation.

Le ministre Betts conclut en disant ceci:

[...] il est concevable que, en vertu du projet de loi C-18, les droits de 2000-2001 soient limités à un niveau inférieur à celui des droits de 1999-2000 calculés selon la formule. Cela signifierait d'une année à l'autre un plafond permettant une croissance négative, plutôt qu'une croissance positive.

Ce projet de loi échoue à cet égard.

On a beaucoup parlé de la nécessité de renforcer le programme de péréquation. Les observations du sénateur Rompkey étaient particulièrement intéressantes à cet égard et je suis d'accord avec lui et mes autres collègues quand ils soutiennent que certains aspects précis du programme méritent d'être examinés de plus près.

Je sais que les ministres provinciaux des Finances se penchent à l'heure actuelle sur plusieurs améliorations à apporter au programme et je ne puis trouver de meilleure contribution par le Sénat que de donner une ordonnance de renvoi au Comité national des finances le priant de revoir à fond les paiements de péréquation à notre retour l'automne prochain.

En collaboration avec les ministres provinciaux et le gouvernement fédéral, le Sénat pourrait fort bien contribuer à la modernisation de la formule de péréquation et du programme dans son ensemble. De la sorte, nous aurons rempli notre mission en renforçant les régions tout en renforçant le pays.

[Français]

L'honorable Roch Bolduc: Honorables sénateurs, je voudrais, dans le contexte des problèmes que soulève la péréquation, endosser ce qui a été dit précédemment et souligner un certain nombre de tendances importantes que les témoins nous ont révélées lors de nos séances en comité.

Dans le document budgétaire du gouvernement du Manitoba, entre autres, des tendances ressortent. Premièrement, en 1961, les contributions fédérale et provinciale aux dépenses de programmes gouvernementaux étaient à peu près de 50 p. 100 pour chacun des gouvernements. En l'an 2000, pour le gouvernement fédéral, elles étaient d'environ 30 p. 100 et pour les provinces, de 70 p. 100. En ce qui concerne les contributions aux programmes, la différence est marquée dans cet écart de 40 ans.

Ma deuxième remarque concerne la contribution des transferts de fonds fédéraux aux recettes des gouvernements provinciaux. En 1980, elle se situait autour de 23 ou 24 p. 100 alors que maintenant, elle se situe autour de 15 p. 100. Nous notons donc une autre diminution. Quant aux dépenses du gouvernement fédéral, en pourcentage du PIB, en 1960, elles se situaient autour de 17 ou 18 p. 100, alors qu'elles se situent maintenant autour de 12 p. 100. Nous relevons également cette tendance dans les dépenses. En ce qui concerne le ratio de la dette au PNB, la diminution depuis sept ou huit ans est de 3,6 p. 100.

D'un côté, vous retrouvez ces tendances, de l'autre, des points d'impôt remis aux provinces qui les ont demandés. Par la suite, nous avons vu croître la dette fédérale.

Ce qui me frappe, c'est l'augmentation des programmes spécifiquement fédéraux depuis quelques années. Ces programmes touchent différents domaines, qu'il s'agisse de l'industrie, de l'innovation à travers les fondations, des conseils subventionnaires, des dépenses pour l'agriculture, des pêches, de la culture ou de l'environnement. Nous rencontrons une série de dépenses pour des programmes spécifiques du gouvernement fédéral qui ne sont pas statutaires dans le même sens que les dépenses de transfert ou la péréquation.

Je constate que le gouvernement fédéral, dans les années 60, a bâti un système où, d'une part, existent les transferts, surtout dans les domaines de l'éducation et de la santé. En effet, les gouvernements, tant fédéral que provinciaux, considérant que ces services étaient essentiels, se sont accaparés de ces domaines. Les gouvernements disposaient d'une base pour les financer et en même temps, ils disposaient de la péréquation. Je constate que cette partie diminue alors que les dépenses du gouvernement fédéral augmentent dans les domaines qui ont rapport aussi, de temps en temps, à la santé et à l'éducation. Les fondations pour l'innovation, qui sont des subventions pour l'enseignement universitaire en bonne partie et, dans certains cas, pour les hôpitaux et la recherche en santé, en sont la preuve.

D'autre part, nous retrouvons d'autres programmes qui concernent plus particulièrement la santé, de sorte qu'on passe d'un régime statutaire où il y a eu un accord fédéral-provincial à des régimes où le gouvernement fédéral dépense des fonds à sa discrétion.

C'est la tendance des années 90 par rapport à celle des années 60. Il est temps de regarder cela comme il faut, sinon cela conduira à des incohérences comme il s'en trouve dans le gouvernement du Manitoba. En effet, nous constatons que le Manitoba est perdant par rapport aux autres provinces si nous ajoutons la péréquation aux paiements de transferts. Quand des subventions spécifiques sont octroyées par différents programmes gouvernementaux, c'est généralement en fonction de la population, et il en résulte que les provinces les plus populeuses reçoivent davantage. Dans une perspective d'équité, ce n'est pas juste pour un pays de faire cela.

Je voulais porter à votre attention ces tendances lourdes qui requerront bientôt l'examen en profondeur dont a parlé le sénateur Rompkey en ce qui a trait non seulement aux paiements de péréquation, mais aussi aux paiements de transfert.

Son Honneur le Président pro tempore: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

[Traduction]

PROJET DE LOI SUR LA DÉNONCIATION DANS LA FONCTION PUBLIQUE

TROISIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kinsella, appuyé par l'honorable sénateur Keon, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-6, Loi visant à favoriser la prévention des conduites répréhensibles dans la fonction publique en établissant un cadre pour la sensibilisation aux pratiques conformes à l'éthique en milieu de travail, le traitement des allégations de conduites répréhensibles et la protection des dénonciateurs.—(L'honorable sénateur Kinsella)

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je vais être bref. Je prends de nouveau la parole pour entamer, mais non terminer mes observations pour lancer notre débat de troisième lecture sur le projet de loi S-6, sur la dénonciation dans la fonction publique. Je m'explique.

Les honorables sénateurs auront remarqué qu'un bon moment a passé depuis que le Sénat a adopté le rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Le rapport proposait des amendements appuyés unanimement par le comité. Ils ont été acceptés également à l'unanimité par le Sénat.

Le débat de troisième lecture ne fait que commencer aujourd'hui, car il y a eu des entretiens avec le ministre le plus touché par la proposition, soit la présidente du Conseil du Trésor, entretiens qui ont compris son témoignage au Comité des finances nationales, le 30 mai. Nous avons appris qu'elle travaillait à une politique sur la dénonciation, politique qui doit être rendue publique d'un jour à l'autre. Bien entendu, notre débat pourrait être plus complet s'il se tenait lorsque la politique de la présidente sera connue.

J'estime que l'objectif commun de tous les sénateurs, de part et d'autre de la Chambre, est qu'une loi sur la dénonciation soit adoptée par le Parlement, et que nous ne nous préoccupons pas trop de savoir qui en sera l'auteur.

(1850)

Le travail bipartite que les sénateurs des deux côtés ont fait sur le projet de loi S-6 est souligné par le fait que le projet de loi est parrainé par les deux partis et aussi que les modifications proposées en comité sont bipartites.

En outre, la politique avouée du Parti libéral du Canada et du Parti progressiste-conservateur du Canada, énoncée clairement dans nos programmes électoraux respectifs, est que nous nous sommes engagés à présenter une mesure législative de ce genre. Cette promesse figure dans le livre rouge de même que dans le programme du Parti conservateur.

Par ailleurs, honorables sénateurs, fait intéressant, des députés de l'autre endroit représentant chacun des deux partis ont publiquement donné leur appui à la mesure législative. Je n'irai pas plus loin et je propose l'ajournement du débat.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

[Français]

PROJET DE CHARTE DU DROIT À LA VIE PRIVÉE

DEUXIÈME LECTURE—REPORT DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Finestone, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Rompkey, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-21, Loi visant à garantir le droit des individus au respect de leur vie privée.—(Teneur renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le 26 avril 2001).

L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, tel qu'il avait été convenu lorsque la teneur de ce projet de loi avait été renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, je propose:

Que, nonobstant l'alinéa 27(3) du Règlement, ce point à l'ordre du jour demeure au Feuilleton pendant 15 journées consécutives.

Son Honneur le Président pro tempore: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

DROITS DE LA PERSONNE

BUDGET—ADOPTION DU RAPPORT DU COMITÉ

Le Sénat passe à l'étude du premier rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne (budget) présenté au Sénat le 7 juin 2001.—(L'honorable sénateur Andreychuk).

L'honorable A. Raynell Andreychuk propose: Que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté).

LE PATRIMOINE ASIATIQUE

MOTION DÉSIGNANT LE MOIS DE MAI COMME MOIS DE LA RECONNAISSANCE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Poy, appuyée par l'honorable sénateur Carney, c.p.:

Que le mois de mai soit désigné Mois du patrimoine asiatique, étant donné l'importante contribution des Canadiens d'origine asiatique à la fondation, à la croissance et au développement du Canada, la diversité de la communauté asiatique et la valeur de celle-ci pour le Canada.—(L'honorable sénateur Oliver).

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui pour commenter la motion du sénateur Poy proposant de déclarer le mois de mai Mois du patrimoine asiatique, vu l'importante contribution apportée par les Canadiens d'origine asiatique au succès et à la prospérité continue de notre pays. Je félicite le sénateur Poy de cette importante initiative.

Dès le tout début de la Confédération, les personnes d'origine asiatique sont venues au Canada à la recherche d'une vie meilleure pour elles et pour leur famille. Dans bien des cas, les immigrants asiatiques laissaient derrière eux des conditions de vie difficiles et parcouraient de longues distances afin de venir s'établir au Canada. Comme l'a fait remarquer le sénateur Poy dans ses commentaires le mois dernier, les asiatiques en provenance de presque toutes les régions du continent ont contribué de manière remarquable aux symboles, aux institutions et aux industries qui ont eu une incidence économique profonde sur notre pays et ont aidé à galvaniser la fédération que nous connaissons aujourd'hui. Comme elle l'a si justement fait remarquer, les immigrants chinois ont contribué à la construction du chemin de fer canadien, les immigrants japonais ont pêché dans les océans et les Asiatiques du Sud ont travaillé dans les scieries.

Honorables sénateurs, je suis convaincu depuis longtemps que nous devrions faire davantage pour reconnaître l'apport important des Chinois et des Japonais à l'édification de notre pays. Ma participation au FPAP et au Groupe Canada-Japon m'a éclairé grandement sur le travail inestimable qu'ils ont accompli en faisant de notre diversité canadienne quelque chose de très spécial.

Non seulement les Asiatiques ont contribué à l'édification du Canada, mais les succès asiatiques modernes se mesurent dans une vaste gamme de secteurs comme celui des services financiers, le domaine des affaires et celui de la technologie, sans compter celui des médias et le secteur juridique. Même le domaine politique qui, de tout temps avait été inaccessible aux Asiatiques, commence à être plus ouvert dans plusieurs provinces, notamment en Colombie-Britannique.

J'ai certaines réserves en ce qui concerne la désignation d'un Mois du patrimoine asiatique et je veux en discuter très brièvement avec les honorables sénateurs.

Comme les sénateurs le savent sûrement, la Grande Asie est une notion discutable, car nous n'avons pas de définition concrète permettant de déterminer où commencent et se terminent les frontières culturelles de l'Asie proprement dite, de l'Asie mineure et du vaste territoire que constitue l'Eurasie. En fait, la panoplie de groupes culturels qui vivent en Asie sont répartis partout dans cette vaste superficie géographique, entre ces États et ces différents gouvernements. Certains se définissent comme des Asiatiques, d'autres comme des habitants du Moyen-Orient et d'autres comme des Européens. Là où je veux en venir, c'est que la notion d'asiatique est artificielle, qu'elle est difficile à définir et que c'est un sujet qui mérite d'être débattu plus longuement à cet endroit.

L'Asie est le plus grand des continents de la planète et l'endroit où on retrouve la plus grande diversité ethnique et culturelle. Ce continent, que l'on pourrait qualifier de super-continent, compte plusieurs milliards d'habitants éparpillés entre le Moyen-Orient, qui inclut Israël, la région biblique et les États arabes; l'Asie du Sud, qui inclut l'Inde, le Pakistan, le Bangladesh et le Sri Lanka; l'Eurasie; la Chine élargie; les Corées; le Japon et les îles du Pacifique environnantes; l'Asie du Sud-Est, qui inclut la Thaïlande, la Birmanie, le Viêt-nam, l'Indonésie, la Malaisie et les Philippines.

Les gens de toutes ces régions sont des Asiatiques, mais ils ne partagent pas une histoire, un système de valeurs et une identité communs. En fait, l'histoire de l'Asie est remplie de pages de valeurs et d'intérêts nationaux divergents ainsi que de rivalités culturelles.

Déclarer un mois du patrimoine asiatique au Canada sous-entendrait qu'il existe des liens qui unissent les communautés asiatiques présentes au Canada, qu'elles ont une histoire commune et qu'il existe des rapports culturels entre tous les Asiatiques au Canada. Je crois qu'il est clair que ce n'est pas le cas.

Ma deuxième réserve a trait à l'évocation, par le sénateur Poy, de l'exemple des États-Unis, qui ont institué un mois du patrimoine américano-pacifico-asiatique. Je voudrais souligner que, contrairement aux États-Unis, que l'on décrit comme un creuset où les immigrants renoncent à une partie de leur patrimoine culturel pour adopter la façon de faire ou l'identité américaine, le Canada est souvent décrit comme étant une «mosaïque culturelle».

Selon ce modèle, la protection du patrimoine culturel du Canada découle directement de son statut de communauté de communautés, auquel a fait référence le sénateur Cohen dans sa dernière intervention, et ne forme pas une grande culture unique.

J'ajouterai encore que, comme l'a souligné le sénateur Poy, le Canada n'a pas les grands programmes d'études asiatiques que l'on retrouve aux États-Unis, mais nous vivons dans un pays où le multiculturalisme est inclus dans la loi et la politique gouvernementale et trouve un reflet dans l'esprit de la nation. Beaucoup de mes collègues et moi-même avons déjà soulevé à la Chambre des problèmes de passage à la pratique du multiculturalisme et de l'égalité d'accès, mais il importe de reconnaître à sa juste valeur notre système qui ne prône pas l'assimilation.

Tout cela pour dire que les comparaisons avec l'exemple américain ne s'appliquent que bien partiellement à l'expérience canadienne, qui encourage les collectivités culturelles à conserver leurs caractéristiques propres dans leur vie de tous les jours plutôt que de s'assimiler au groupe majoritaire.

Honorables sénateurs, en proposant que le mois de mai soit désigné Mois du patrimoine asiatique, le sénateur Poy défend une cause très noble. J'ai, moi aussi, énormément de respect pour les habitants des pays asiatiques et je n'hésite pas à reconnaître leur contribution positive en tant qu'immigrants et citoyens du Canada. Je m'empresse d'ajouter que, grâce à notre population d'origine asiatique, les échanges commerciaux du Canada avec les pays asiatiques ne cessent de s'accroître. Par exemple, les principaux partenaires commerciaux du Canada sont les États-Unis, suivis du Japon.

Dernièrement, le ministre du Commerce international, l'honorable Pierre Pettigrew, a annoncé qu'il allait diriger une délégation qui se rendrait en Inde. Il y a quelques mois, le premier ministre a dirigé la mission d'Équipe Canada en Chine. Voilà autant de signes qui montrent que, en matière commerciale, le Canada a décidé de mettre désormais plus d'emphase sur la côte du Pacifique que sur la région de l'Atlantique et que les pays asiatiques et leur population joueront un rôle accru dans l'évolution de notre pays.

Je suis très heureux de la tournure des événements et je suis persuadé que, en cherchant à améliorer nos relations avec les pays asiatiques, nous ne pourrons qu'accélérer l'essor de notre pays.

(1900)

Cela étant dit, je me préoccupe, troisièmement, de la façon dont nous soulignons les réalisations et la contribution de nos citoyens d'origine asiatique et dont nous tentons d'assurer la prospérité du Canada. Le 29 mai 2001, le sénateur Poy a déclaré:

Honorables sénateurs, bien que les effets de cette motion soient grandement symboliques, j'estime que de tels symboles sont nécessaires, car ils montrent l'engagement du gouvernement fédéral à l'égard des communautés culturelles, tant au plan politique que pratique.

À la lumière des observations du sénateur, je conviens qu'il est nécessaire que le gouvernement fédéral adopte les mesures qui s'imposent pour promouvoir nos communautés culturelles et pour jeter les bases d'un Canada fort. Je crois cependant que la meilleure façon d'inciter les citoyens d'origine asiatique à faire encore mieux n'est pas de promouvoir leur culture mais bien de déterminer les grandes questions qui les touchent. Après tout, la promotion du patrimoine ne rime à rien si d'autres aspects essentiels de la vie quotidienne sont négligés.

Ainsi, l'impôt sur le revenu et les charges sociales au Canada continuent d'être les plus élevés dans le monde industrialisé, ce qui ne fait qu'accroître les disparités économiques entre les riches et les pauvres. Cela a des répercussions particulières sur de nombreux immigrants d'origine asiatique au Canada, dont certains ont échappé à la pauvreté dans leur pays d'origine, qui cherchent maintenant à améliorer leurs conditions de vie.

De plus, malgré certains progrès, le Parlement et plusieurs assemblées législatives provinciales demeurent hors de portée pour les gens d'origine asiatique et d'autres groupes ethniques minoritaires. Les efforts pour diversifier le cadre politique, grâce à des programmes comme la représentation proportionnelle, ont toutefois échoué lamentablement.

Honorables sénateurs, en prônant une politique officielle judicieuse qui n'est pas particulière à une collectivité, mais qui vise plutôt à améliorer le niveau de vie au Canada, nous contribuons concrètement à la réussite continue de nos diverses communautés multiculturelles.

Tout comme le Canada, le Royaume-Uni souscrit entièrement à la diversité culturelle que l'immigration apporte. Cependant, les instruments politiques du Royaume-Uni tendent à assurer un accès égal au gouvernement et à la société plutôt qu'à promouvoir des journées spéciales du patrimoine. Conformément à cet engagement à l'égard d'un multiculturalisme de fond plutôt que de façade, les principaux instruments de la politique ethnique du Royaume-Uni sont la Commission for Racial Equality, la Race Relations Act et la Social Exclusion Unit. Dans ce système de gouvernement, que favorise une logique de prudence et de pragmatisme, les politiques sur l'égalité font partie intégrante de toutes les procédures et de la planification du gouvernement central, le principal objectif étant l'égalité des citoyens.

En conclusion, honorables sénateurs, même si je souscris à la motion du sénateur Poy, j'ignore ce qu'elle accomplira si elle est adoptée au niveau fédéral. Compte tenu des faits que j'ai présentés, je crois plutôt que le gouvernement fédéral pourra mieux favoriser l'amélioration de la qualité de vie au Canada pour tous les immigrants d'origine asiatique, entre autres, en adoptant une bonne politique officielle, en procédant à une réforme structurelle et en offrant la loi voulue en matière de citoyenneté et d'immigration.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

FINANCES NATIONALES

AUTORISATION AU COMITÉ D'ÉTUDIER L'EFFICACITÉ DE L'ACTUELLE POLITIQUE DE PÉRÉQUATION

L'honorable Bill Rompkey, conformément à l'avis donné le 11 juin 2001, propose:

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, l'efficacité de la politique actuelle de péréquation pour ce qui est de donner aux gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour leur permettre d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparables;

Que le Comité dépose son rapport au plus tard le 21 décembre 2001.

— Honorables sénateurs, je ne dirai que quelques mots. Mes propos font suite au débat sur le projet de loi C-18. Nous avons tenu des discussions avec les gens d'en face et tous semblent s'entendre pour dire que nous devrions étudier en détail le projet de loi. Nous avons découvert que pareille étude était nécessaire.

Nous avons entendu ce matin des témoignages selon lesquels la péréquation est un bon programme, mais qu'il y a place à l'amélioration. Le défi consiste pour nous à déterminer comment il peut être amélioré. Nous devons l'examiner afin de déterminer dans quelle mesure il est efficace, ou inefficace et, peut-être, de faire des suggestions inédites quant à la façon de l'améliorer.

Il est évident, comme nous l'avons constaté, qu'il ne fonctionne pas aussi bien qu'il devrait. Il ne permet pas aux provinces de fournir des services équivalents à des niveaux relativement équivalents d'imposition. Des preuves ont été présentées à cet égard.

Honorables sénateurs, un débat prolongé est nécessaire à ce stade, mais je voudrais que la motion soit adoptée afin que le comité puisse poursuivre son travail, qui consiste à examiner le programme de péréquation en profondeur.

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, je suis d'accord avec le sénateur Rompkey pour dire que des discussions ont déjà eu lieu et que nous devons poursuivre l'examen.

Je voudrais me pencher sur la motion dans laquelle il est proposé d'examiner l'efficacité de la formule actuelle de péréquation et d'en faire rapport. Nous ne contestons pas, et je pense qu'aucun témoin ne l'a fait, qu'une étude doit être réalisée sur les lacunes de l'actuel programme de péréquation. Selon les témoignages présentés au comité, comme l'a dit le sénateur Rompkey, le programme de péréquation pourrait être plus efficace et il existe peut-être des moyens de le rendre plus efficace. Il importe donc d'examiner non seulement l'efficacité du programme, mais encore les propositions et les idées relatives à une nouvelle formule nous permettant d'améliorer le programme. Nous ne voulons pas limiter l'étude à l'examen de l'efficacité du programme, mais l'étendre aux moyens que l'on pourrait prendre pour l'améliorer.

MOTION D'AMENDEMENT

L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, je propose, avec l'appui de l'honorable sénateur Lynch-Staunton:

Que l'on insère, à la deuxième ligne, après le mot «efficacité», l'expression «et les améliorations possibles».

Son Honneur le Président pro tempore: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion d'amendement?

Des voix: D'accord.

(La motion d'amendement est adoptée.)

L'honorable Tommy Banks: Puis-je poser une question au sénateur Rompkey?

(1910)

Son Honneur le Président pro tempore: Je regrette, mais il n'est pas conforme au Règlement que l'honorable sénateur Banks pose une question.

Le sénateur Banks: Dans ce cas, honorables sénateurs, je vais présenter une déclaration concernant la motion. Je n'ai pas préparé de notes, mais j'ai dit ce matin au sénateur Rompkey qu'une des lacunes dont il a parlé est inextricablement liée à la question des paiements de péréquation. Il s'agit du partage des redevances avec le gouvernement provincial et, en particulier, de cette chose qu'on appelle familièrement la récupération fiscale.

Je me demande ici tout haut s'il ne serait pas sage de renvoyer cette question au comité sénatorial en plus de la question de la péréquation.

Voilà, honorables sénateurs. Cela me semblerait une bonne idée.

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, permettez-moi d'ajouter un commentaire. Il me semble que, dans toutes les études sur les paiements de péréquation, il faut examiner les fondements de la formule de péréquation. Cela comprend la question soulevée par le sénateur Banks. Je pense que, avec les amendements proposés par le sénateur Comeau, nous avons inclus dans la motion tous les éléments demandés par le sénateur Banks. Je loue certainement le sénateur pour la suggestion qu'il a faite au comité chargé d'étudier la question.

L'honorable Wilfred P. Moore: Honorables sénateurs, le sénateur Comeau veut ajouter les mots «et les améliorations possibles» après le mot «efficacité». En anglais, il faudrait supprimer le mot «of».

Le sénateur Carstairs: Pour de raisons de clarté, il serait logique de supprimer ce terme, mais on devrait considérer cela comme un amendement de forme. Nous pouvons remplacer le terme «of» par le terme «to», sans procéder pour cela à un amendement officiel. On peut le faire par voie d'amendement de forme.

Son Honneur le Président: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion modifiée du sénateur Rompkey?

Des voix: D'accord.

(La motion, telle qu'amendée, est adoptée.)

AFFAIRES SOCIALES, SCIENCES ET TECHNOLOGIE

AUTORISATION AU COMITÉ DE SIÉGER EN MÊME TEMPS QUE LE SÉNAT

L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement), au nom de l'honorable Michael Kirby, propose, conformément à l'avis donné le 11 juin 2001:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit autorisé à siéger le mercredi 13 juin 2001 à 15 h 30, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'alinéa 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 13 juin 2001, à 13 h 30.)


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